Craig Lancaster : Une si longue absence

Au nom du père

 

Une si longue absence est le premier roman de Graig Lancaster publié en France. Souhaitons qu’il y en aura d’autres. Journaliste et romancier, Graig Lancaster, qui a grandi au Texas, ce qui est très bien, vit aujourd’hui au Montana, ce qui n’est pas mal non plus.

Dire qu’entre Mitch et son père, Jim, le courant soit toujours bien passé, serait beaucoup dire. Ils se voient quand il leur tombe un œil et, les rares fois où ils se voient – Mitch vit en Californie, Jim au Montana – ils n’ont rien à se dire, sinon des choses désagréables.

De son côté, la vie de Mitch, marié, deux enfants (qui n’ont jamais vu leur grand-père), part en quenouille. Sa carrière piétine et son couple est au bord de la rupture. Dans ce contexte, il reçoit plusieurs coups de téléphone de son père. Des coups de fil apparemment sans motif, genre « Comment ça ? Moi, ça va, et toi ? » Pour l’épouse de Mitch, Cindy, ces appels sont comme des appels au secours. Elle y voit la possibilité pour Mitch de renouer avec le vieil homme, de faire le point et, qui sait, de reprendre leur couple en main. Elle l’encourage donc à aller rejoindre Jim au Montana.

Commence alors un long voyage dans le présent et le passé. Le présent, à Billings, où le père et le fils sont comme chien et chat. Le passé avec des flash backs du temps où Mitch, gamin de 11 ans, passait ses vacances avec son père, divorcé de sa mère, remarié, redivorcé et re-remarié.

C’est l’occasion pour nous de découvrir un homme raide à la toile. Foreur de son état, Jim travaillait avec le frère aîné de Mitch, Jerry, à qui il en faisait voir, à lui comme à ses autres ouvriers (qu’il appelle des « bras »), de toutes les couleurs.

Apparemment, rien à sauver chez ce type, coureur, buveur, violent. Sinon le fait qu’il aime la country music et notamment Ronnie Milsap et Willie Nelson, ce qui, à nous qui savons lire, donne à penser qu’il ne peut être entièrement mauvais…

Au fil du récit, d’aujourd’hui à hier, on découvre que les choses sont beaucoup moins tranchées que Mitch le pensait. D’autant qu’il va découvrir, dans le mobile home qu’il partage avec son père, une boîte contenant des lettres qui, loin d’éclairer les zones d’ombre de Jim, viennent les obscurcir un peu plus.

Il convient, bien sûr, de ne pas en dire beaucoup plus, histoire de ne pas déflorer cette histoire d’hommes. Sinon pour dire que le fils et le père vont doucement s’apprivoiser. On va savoir pourquoi Jim a appelé Mitch, apparemment pour ne rien dire et découvrir les choses derrière les choses. Pour Mitch ce sera une révélation, à tous les sens du terme et, pour Jim, l’opportunité de faire la paix avec lui-même et avec les siens.

Une histoire d’hommes. Mais aussi – et peut-être surtout – une histoire d’amour. De la difficulté des hommes, qui sont sur ces points-là beaucoup plus pudiques que les femmes, de sa lâcher et de laisser parler leur cœur. Même les cowboys ont du vague à l’âme. La preuve.

« Le dernier espoir pour un père et son fils de sauver leur relation gangrenée par les secrets de famille », nous dit l’éditeur. Le dernier espoir, aussi, pour un fils malheureux, de redevenir le petit garçon qu’il n’a jamais pu être. Et qui, comme le lui explique sa femme, a fini par reproduire le comportement même de son père.

Alain Sanders

- Presses de la Cité

 

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