Patrick Grainville : Bison

George Catlin, peintre des Indiens

 

Pourquoi avoir titré Bison ce roman dévolu à George Catlin (1796-1872) souvent décrit comme « le peintre des Indiens » (même s’il y en a beaucoup d’autres et non des moindres) ?

Eh bien, on peut le penser, pour souligner l’importance qu’eut le bison pour les Indiens des plaines et, tout particulièrement les Sioux (et alliés) chez qui Catlin a longuement séjourné. Comme dans le cochon, tout est bon et tout est utilisé dans le bison : la fourrure, la queue, les muscles, les os, les poils, les sabots et les pattes, le contenu stomacal et les parois de l’estomac, la cervelle, la chair, le crâne, les cornes, la barbe, la peau…

Brillant avocat sur la côte Est, George Catlin va tout abandonner – femme, relations, carrière – en 1821 pour se consacrer à l’étude et à la représentation graphique des Indiens. Il fait des portraits. Il fixe sur la toile leurs coutumes, leurs chasses (au bison notamment, il y en a encore des millions), leurs chevauchées, leurs rituels chamanistes. A ce titre, il est bien le premier peintre des Indiens des plaines.

En 1838, il crée l’Indian Gallery destinée à rassembler – et à montrer au monde – tout le matériel collecté, rassemblé, pensé. D’abord présentée sur la côte Est des Etats-Unis, cette Galerie indienne le sera aussi en Europe où elle contribuera, notamment en Allemagne (voir la série Winnetou, par exemple) à populariser une sorte d’indianisme non dénué de rousseauisme façon « bon sauvage ». Parmi les visiteurs français de l’Indian Gallery, George Sand, Baudelaire, Victor Hugo, Balzac, Delacroix, Nerval, etc., tous enthousiastes.

En 1845, le roi Louis-Philippe reçoit Catlin et un groupe de danseurs Iowas aux Tuileries. Impressionné (et la Cour avec lui) par la prestation des danseurs et les talents picturaux de Catlin (qui peindra sur le champ cette rencontre), il va lui commander une série de toiles. On peut les admirer quai Branly.

On dispose de nombreuses études très savantes sur Catlin, sa vie, son œuvre. Dont l’ouvrage de Harold McCracken, George Catlin and the Old Frontier (New York, 1959) et, plus récemment, The Red Man’s Bones : George Catlin, Artist and Showman (W.W. Northon & Company, 2013) de Benita Eisler.

Mais le roman de Patrick Grainville, avec en couverture un portrait de Catlin peint par William Fisk en 1849, me semble être une approche plus plaisante (et moins « technique ») pour se familiariser avec ce peintre tout à la fois artiste et reporter. Grainville, qui se glisse dans les habits de peau (de bison, bien sûr) de Catlin, n’est jamais en contradiction avec la réalité, même s’il comble parfois par l’imagination ce qui, faute de documents sur telle ou telle période, a besoin de l’être.

Catlin peint son premier Indien (et c’est encore un peu laborieux), Red Jacket, en 1826 A l’article de la mort, le 23 décembre 1872, ses derniers mots seront : « Que va devenir ma collection ? » Elle connut bien des soucis. Mais cela serait encore une autre histoire.

En 1823, croisant un groupe de chefs indiens en visite à Philadelphie, Catlin avait tilté : « Voilà, me dis-je, ce qui convient à la palette d’un peintre… Je me convainquis que l’histoire te les coutumes de ces peuplades méritaient qu’un homme consacrât sa vie à les étudier et à les fixer par l’image. Et, dès lors, ma décision fut irrévocable : rien ne m’empêcherait d’aller au pays des Indiens et d’être leur historien ». Et, du même coup, leur avocat.

Alain Sanders

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(1) A lire aussi, bien sûr, les souvenirs de George Catlin, La Vie chez les Indiens (Hachette, 1863).

- Seuil.

 

 

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