Richard Ford : Canada

Somewhere over the Canadian rainbow…

 

A Richard Ford, né à Jackson Mississippi, on doit déjà de grands romans comme Une saison ardente, Le Bout du rouleau, Indépendance, Un week-end dans le Michigan, L’Etat des lieux, etc. De grands romans effectivement. Mais il n’est pas impossible que son dernier ouvrage, Canada, reste une de ses œuvres majeures.

Le critique américain John Banville n’est pas loin de le penser. Il écrit : « Un chef d’œuvre qui capture la solitude logée au cœur même de la vie américaine – et peut-être de toute vie ».

Tout commence à Great Falls, Montana, en 1960. C’est là que vit la famille Parsons. Le père, Beverly, dit Bev, est toujours à la recherche de dix cents pour faire un dollar. La mère, Geneva, dite Neeva, un brin intello yankee, est un p’tit bout de femme dont on comprend mal qu’elle se soit entichée de ce grand rustaud de Bev, originaire de l’Alabama. Deux enfants, Dell et sa sœur Brener, des jumeaux âgés d’une quinzaine d’années.

Un jour, Bev et Neeva, qui doivent absolument rembourser un créancier agressif, braquent une banque. Un braquage de pieds-nickelés. Ils se font prendre. Direction la prison. Pour les deux mineurs, Dell et Berner, c’est le placement sous tutelle assuré. Berner n’attend pas. Elle disparaît dans la nature. Dell passe au Canada avec la complicité d’une amie de sa mère, la très atypique Mildred Remlinger.

Il est hébergé à Patreau, un petit village du Saskatchewan, non loin d’une bourgade plus importante, Fort Royal, où le frère de Mildred, Arhur Remlinger, possède le Leonard Hotel. Curieux type cet Arthur qui engage l’ado. Dell ne va pas tarder à s’apercevoir qu’Arthur est recherché aux Etats-Unis.

Commence alors pour le tout jeune homme, coupé des siens et de ses repères, une vie nouvelle. Une vie qui, lentement mais sûrement le fait passer de l’adolescence à l’âge adulte. Cela ne se fait pas sans mal : « N’allez pas croire que j’aie instantanément et impeccablement trouvé ma place dans la vie de Fort Royal. Loin de là. Je savais bien que mes parents étaient en prison, ma sœur en fugue et que, selon toute probabilité, on m’avait abandonné pour de bon à des inconnus ».

En même temps que l’histoire de Dell Parsons, sorte de David Copperfield du XXe siècle, on découvre la chronique d’une petite ville perdue du Saskatchewan dans les années soixante. Avec ses commerces le long de Main Street, sa laverie-restaurant (tenue par des Chinois, comme dans un western…), deux cabinets médicaux, un bazar, un cinéma, un Woolworth, six églises, une station Esso, une banque, pas moins des six églises…

Seule parenthèse agréable dans la solitude de Dell, ses rencontres avec la bonne amie d’Arthur Remlinger, la belle Florence LeBlanc, qui lui remonte le moral comme elle peut : « L’histoire de ta vie sera intéressante à raconter. Tu auras du succès auprès des jolies filles. On aime bien, nous, les hommes au passé sombre ».

Faut dire qu’avec son Arthur, elle est servie côté passé sombre… Dell aura l’occasion de le vérifier au cours d’un flingage de policiers US trop curieux… Faut pas venir chercher des poux dans la tête d’Arthur de l’autre côté de la frontière…

Dell reviendra de tout ça. Il aura même une vie reconstruite – sinon apaisée – avec femme et enfants, un poste de professeur de littérature et des souvenirs plein la tête.

Un roman d’apprentissage comme on disait jadis. Un apprentissage à la dure. Une grande saga américaine racontée magistralement par l’un des plus grands écrivains américains contemporains.

Alain Sanders

- Editions de l’Olivier.

 

 

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