William March : Compagnie K

Les Américains dans la Grande Guerre

 

Un mot, d’abord, de l’auteur de ce chef d’œuvre absolu, Compagnie K, paru aux Etats-Unis en 1933 et opportunément publié en France – pour la première fois – par les Editions Gallmeister dénicheuses de pépites (1).

William Campbell (1893-1954), alias William March, originaire de l’Alabama, combattra en France dans l’US Marine Corps à partir de 1917. Il sera décoré notamment de la Croix de guerre, de la Navy Cross et la Distinguished Service Cross.

Compagnie K est annoncé : « roman ». Il s’agit bien évidemment d’un récit. Un « puzzle » de 113 fragments – comme autant de shrapnels – qui, reconstitués, racontent la guerre, les morceaux de guerre, les tranches de guerre, de 113 hommes. Du simple soldat au lieutenant en passant par les caporaux, sergents et adjudants. Des hommes que l’on accompagne de la conscription à la démobilisation (au moins pour ceux qui ont survécu à l’enfer…).

Des livres sur la Grande Guerre (et il y en aura près de 500 de plus en cette année anniversaire), nous en avons lu des dizaines et des dizaines. S’il ne fallait n’en garder qu’un, ce serait celui-là qui, sans effets superflus, froidement, presque cliniquement, décrit l’horreur.

Des instantanés. Dans les tranchées. Dans la boue, la merde, le sang. Dans le fracas des obus. Quelques moments d’accalmie. Rares. Comme une virée au bordel. Un sourire de femme dans un pré. Un coup de gnole ou de pinard.


Ce livre n’est pas qu’un livre : c’est un cri comme le souligna Graham Greene lors de sa parution : « C’est le cri de milliers de gorges anonymes ».

William March fut à Verdun, à Bois Belleau (où il fut blessé), à Saint-Mihiel, au Blanc Mont. Il a eu faim. Il a eu froid. Il a eu peur. Il ne s’en est jamais vraiment remis et, à quelques égards, on peut considérer que ce texte apocalyptique lui servit de thérapie libératoire.

Ce n’est pas un livre antimilitariste. Patriote de l’espèce amoureuse, March dira qu’il avait défendu son pays et que, si c’était à refaire, il le referait.

Alors il y a eu, on le sait, de grands livres sur cette Grande (et terrible) Guerre : A l’Ouest rien de nouveau, Casse-Pipe, Les Croix de bois, L’Adieu aux armes, Orages d’acier, etc. Mais, à côté de Compagnie K, ils pourront paraître en deçà de ces récits hallucinés dont on ne ressort pas intact.

Il y a des moments très forts (il n’y en a d’ailleurs pas de « faibles ») où le mort saisi le vif. Debout les morts et venez témoigner aussi! C’est une danse. Macabre. C’est, à la baïonnette, des féeries pour une autre fois. Des massacres pour des bagatelles. De la mitraille. Et des copains qui tombent.

La Compagnie K a été au combat à partir du 12 décembre 1917. A 22 heures 15. A Verdun. Elle a cessé le combat le 11 novembre 1918. Ce qui s’est passé dans ce laps de temps ce sont les voix – des voix d’outre-tombe – d’Archie Lemon, de Roger Jones, de Jesse Bogan, de Jacob Geller, d’Oswald Pollard et des autres qui nous le disent.

Il y en a qui, par miracle, sont revenus indemnes (physiquement indemnes). D’autres sont rentrés. Mutilés à vie. D’autres, beaucoup d’autres, sont restés dans les champs de la mort. Tous, tous sans exception, méritent qu’on se souvienne de leur sacrifice.

« Avec des noms différents et des décors différents, les hommes que j’ai évoqués pourraient tout aussi bien être français, allemands, anglais, ou russes d’ailleurs », expliqua March. C’est vrai. C’est une histoire d’hommes. Jetés dans la fournaise. Et sacrifiés, peut-être, par des gens qui, eux, ne vont jamais à la riflette… Et qui pourraient être français, allemands, anglais ou russes d’ailleurs…

Alain Sanders

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(1) A signaler que Robert Burns a fait une adaptation cinématographique de ce livre en 2004. On la verra peut-être un jour en France (rêvons un peu…).

 

 

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