Tom Robbins : Même les cowgirls ont du vague à l'âme

Entre Falstaff et Calamity Jane

 

Est-il besoin de présenter Tom Robbins souvent donné – mais on ne prête qu’aux riches – comme l’un des pères de la culture pop ? Sans doute pas. D’autant moins que son roman, Même les cowgirls ont du vague à l’âme, a été porté à l’écran par Gus Van Sant (qui est malheureusement passé à côté de l’esprit du livre).

A l’époque, en 1976, cet ouvrage fut salué comme « le meilleur roman issu de la contre-culture américaine », par le Washington Post’s Book World. Une assertion quelque peu aventurée. Par-delà son humour décapant, sa fantaisie débridée, ses scories très sixties, Même les cowgirls ne relève pas d’une supposée contre-culture américaine (qui tient beaucoup du monstre du Loch Ness à vrai dire), mais bel et bien de la culture américaine intrinsèque qui, on le sait, ne déteste pas brûler à l’occasion ce qu’elle a précédemment adoré.

L’héroïne du roman, Sissy Hankshaw, a été dotée à sa naissance des deux plus longs pouces du monde. Ce qui lui permet de partir à la découverte des Etats-Unis en faisant du… stop avec succès. On voit qu’on est là dans un thème très classique et même redondant de l’imaginaire et de la littérature américains, la route, le road movie, le on the road again chers à Jack Kerouac, Willie Nelson, Jack London, Thelma et Louise, etc.

Sur son chemin , elle va croiser des personnages farfelus, baroques, burlesques. De la Comtesse qui griffe – mais à grande échelle – l’industrie des déodorants intimes au docteur Robbins, qui fait psy-psy partout, en passant par Julian Guitche qui deviendra, l’espace d’une saison, son mari.

Et puis une découverte. Le ranch de la Rose de Caoutchouc, dirigé par Bonanza Jellybean, où l’on milite pour l’égalité – et même plus – entre cowboys et cowgirls. Bienvenue, donc, dans ce ranch, le plus grand ranch des femmes de l’Ouest.

A l’époque de la parution de Même les cowgirls, la « grosse presse » française fit grand cas de ce roman dans lequel elle affecta de voir le récit « d’un observateur implacable de toutes les dérives qui menacent l’Amérique (sic). » Il aurait peut-être été plus judicieux de s’inquiéter des dérives qui menacent la presse franchouillarde qui a – et qui a toujours eu – une vision caricaturale des Etats-Unis…

D’abord parce que ce livre nécessite une profonde connaissance de l’Amérique profonde et de ses réalités. Qui, en France, mis à part les vrais « fous » d’Amérique, connaît Roy Rogers et Dale Evans, les polkas du Texas, le tabac de Virginie (Sissy est de Richmond), le Kaffee que l’on boit à petites gorgées, les catalogues de chez Sears, Nick Adams (héros de la série télé Le Rebelle), Hi et Lois, Dorothy Collins, etc. ? Pour tout dire, si on ne maîtrise pas intimement la culture américaine, on reste en surface de ce grand roman qui s’en nourrit et y puise sa force drolatique.

Alain Sanders

- Gallmeister

 

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