Le 26e Country Rendez-Vous de Craponne

Un très grand cru


 

Il y avait, bien sûr, ceux qui avaient privilégié le dimanche 28 juillet because les légendaires Mavericks. Mais il y avait tous ceux – des milliers et des milliers – qui, dès le vendredi, étaient mobilisés. Et ils ont eu raison : ce 26e Country Rendez-Vous de Craponne-sur-Arzon a été un très grand cru. Malgré les orages, genre Boue Suede Shoes, le bonheur était dans l’Opry.

Et d’abord parce que, dans la tradition de ce festival, le premier d’Europe, toutes les nuances de la country music étaient au rendez-vous : western swing, country boogie, tex-mex, cajun, bluegrass, honky tonk, etc. Avec une dominante texane, bien sûr : Texas Forever ! comme disait le colonel Travis à Alamo.

<--- The Mavericks : ils sont déjà dans la légende


The Swing Commanders : l'un des moments forts du festival

 


Whiskey & Women : une country punk attitude !

 

Sam Riggs & The Night People : Texas forever !
 
Audie Blaylock And Redline : Bill Monroe doit être fier d'eux

Dès le vendredi soir, ça a commencé très fort. Avec des British, The Swing Commanders, que Bob Wills lui-même, installé dans le honky tonk des anges, a reconnu comme ses fils spirituels. Deux filles superbes (multi-instrumentistes : violon, saxo, piano, clarinette, chant), Susanna Lloyd et Rosemary Williams, et trois lascars virevoltants, Peter Ryley, Mark Warburton, Simon Brady. Et un « plus » : un couple de Jive Dancers – un couple époustouflant – qui a déchaîné l’enthousiasme.

Pour suivre, trois pépettes sexy : Whiskey & Women. Originaires de Californie, c’est la Louisiane qui les branche et la musique cajun (en français de là-bas), mais aussi du folk, des morceaux celtiques, du tradi. Renee de La Prade, Joan W. Rueter, Rosemary G. Steffy sont en tout état de cause inclassables. A moins de créer une nouvelle catégorie : la country punk ! Tatouées comme des matafs, attifées façon as de pique, drôles, pétulantes, elles ont fait valser leurs accordéons et leurs violons pour distiller – whiskey oblige – une musique qui a fait chavirer nos cœurs.

Après ces trois filles, les cinq gars de Sam Riggs & The Night People (Sam, Chad, Mickey, Jerrod, Dustin) arrivés du Texas. De l’americana plus que de la country, certes, mais avec une authenticité qui les a fait se produire aux côtés des plus grands, d’Asleep At The Wheel à Randy Rogers en passant par Joe Diffie, les Derailers, Kevin Fowler, etc.

On est resté au Texas avec Audie Blaylock & The Redline : du bluegrass à faire rugir de plaisir, pour le coup, Bill Monroe et ses Texas Playboys eux aussi dans la maison du Bon Dieu avec Bill Monroe. Pour entourer Audie, que des pointures : Patrick McAvinue (un génie du violon et de la mandoline), Russ Carson (un génie du banjo), Thimothy Reed Jones (un génie de la contrebasse). Le bluegrass a toujours été à l’honneur à Craponne. Tradition respectée !

 

The Pear Ratz : du rock sudiste pur et dur
 
Mr Jay's Band : a Country French Touch

 

The Starliters : ils ont assuré le show
 
Will Banister & The Mulberry Band : un authentique country boy

Encore et toujours le Texas avec The Pear Ratz. Un groupe tendance rock sudiste (Bob W. Strausse, l’un des membres du groupe vient du trash-metal), mais aussi très roots et, en fin de compte, par-delà les tonitruances du batteur (dans la country, la batterie ne doit pas écraser le reste sous prétexte que the boys make the noise on 16th Avenue…), Johnny J. Aguillon, le honky tonk style n’est jamais très loin.

Le samedi a démarré avec le Mr Jay’s Band. Des Français solides, le Mr Jay en question étant épaulé par deux des meilleurs musiciens de la scène française, Bruno Liger (dobro) et Lionel Wendling (pedal steel). Le dimanche, c’est un régional de l’étape, un Auvergnat donc, Norfolk AC, qui a ouvert.

Pour suivre, une des grandes révélations de Craponne 26e du nom (avec Will Banister dont nous allons reparler) : The Starliters. Des Italiens qui, avec un talent à couper le souffle et un humour du même calibre, ont fait le show absolu en déclinant des standards, mais aussi des morceaux moins connus, des années quarante et cinquante. A eux seuls, ils ont couvert toute la gamme country : honky tonk, western swing, rockabilly, country boogie and so on.

J’ai évoqué Will Banister. Accompagné par le Mulberry Band. Pour moi, il aura été le clou – oui, oui, avant les Mavericks – de Craponne cette année. Un country boy pur jus. Un chanteur à chapeau. Dans l’héritage de Hank Williams, de George Jones, de Don Williams, de George Strait, d’Alan Jackson. Quand il a chanté Turned Her On To Country (un morceau de son album au titre éponyme), j’en ai eu des frissons. Quand il a repris du Hank Williams, j’en ai eu les larmes aux yeux. La country est grande et Will est son prophète !

 

JB and The Moonshine Band : des Texans, what else ?
 
Stephanie Urbina Jones : la reine du tex-mex

 

Norfolk AC : un Français dans la cour des grands
 
Frank Solivan & Dirty Kitchen : le sommet du bluegrass

Pour rester sous le charme, il fallait encore des Texans. Et on les a eus avec JB & The Moonshine Band. James Patterson, alias JB, dit avoir eu un choc le jour où il a vu Willie Nelson & Family : « C’est ça que je voulais faire ! » Mission réussie : des titres classés au Billboard des Texas Music Charts, deux albums qui ont fait un carton, un titre numéro 1 : The Only Drug. Leur seule drogue, c’est la musique country.

La pluie. L’orage. Le vent. Ce n’est pas ça qui a fait reculer Stephanie Urbina Jones, une Tejana (mexicano-texane) de San Antonio. Elle chante merveilleusement, elle est belle et elle fait même du cinéma (Troubadour Texas et Courage, deux films qu’on ne verra pas en France, hélas). Son attitude, très texicana, fait d’elle l’une des rares – sinon la seule – hispanico-américaines (des hommes, il y en a eu, à commencer par Freddy Fender, aujourd’hui disparu) à s’être imposée dans la country.

Dimanche, on savait qu’il allait falloir composer avec les caprices du ciel. C’est ce qu’on a heureusement pu faire. Le groupe bluegrass Frank Solivan & Dirty Kitchen nous a mitonné quelques plats loin de sortir d’une cuisine dirty. On a tutoyé les anges avec, à la manœuvre, Frank Solivan (mandoline, violon, chant), Michael Munford (banjo), Daniel Booth (basse), et Christopher Luquette (guitare).

 

John David Kent : country around the rock
 
The Mavericks : country à la salsa tejana

 

The Pine Leaf Boys : Allons à La Fayette !
 
Des festivaliers aux anges

John David Kent n’a pas seulement une belle gueule. Il a une voix. Une présence exceptionnelle. Du charisme. Un Texan encore ? Yes, Sir ! Un peu rock ? Un peu. Car, comme il le dit, il prend « les éléments du rock traditionnel pour les marier avec ceux de la country ».

Les Mavericks, le retour ! Après dix ans de séparation (dix ans pendant lesquels le leader du groupe, Raul Malo, a tenté une carrière solo), ils ont décidé de remettre ça. Pour notre plus grand bonheur. Leur nouvel album, In Time, fait un tabac. Et c’est aussi un tabac qu’ils ont fait à Craponne avec leurs morceaux mythiques et leurs nouveaux titres, le tout dans une débauche de variantes tejanas (voire mariachis) soutenues par Quentin Ware à la trompette, Michael Guerra à l’accordéon, Max Abrams au saxo.

Ils avaient placé la barre très haut. Et pourtant, là encore dans la tradition de Craponne et de son final façon feu d’artifice avec des groupes cajuns qui mettent le feu, on n’a pas été déçu : rien de moins que les Pine Leaf Boys, originaires de Louisiane. Leur leader ? Wilson Savoy. Un nom légendaire en Louisiane : son grand-père et son père (le célèbre Marc Savoy) sont des maîtres (en ce qui concerne Marc, il en fabrique même) de l’accordéon. A ses côtés, Courtney Granger, né à Eurnice comme Marc, au violon ; John Bertrand, de Jeff Davis Parish, à la guitare ; Drew Simon, de Lafayette, à la batterie ; Thomas David, de Lafayette également, à la basse. Avec eux, on est au sommet de l’art musical cajun.

Et maintenant ? Eh bien, si Dieu veut et si la rivière ne déborde pas, comme disait Hank Williams, attendre de repartir pour trois jours de bonheur (ça devrait être remboursé par la Sécurité sociale, Craponne…) l’an prochain.

Alain Sanders

Photos : Country Music Attitude et DR

Retour

Tous droits réservés - Country Music Attitude 2013