Emily Dickinson (1830-1866)

Un poète américain majeur, une âme rare

 

Emily Dickinson est né le 10 décembre 1830 à Amherst, Massachusetts. Après de solides études, elle s'installe pour un temps au séminaire pour femmes de Mount Holyoke, puis revient vivre dans sa famille. Un peu bizarre la fille ? Oui. Elle ne s'habille qu'en blanc, passe son temps dans sa chambre, ne sort quasiment jamais. En revanche, elle écrit abondamment : elle entretient des échanges épistolaires suivis avec des correspondants qui ont senti que, derrière ce choix de se tenir à l'écart, se cache une âme rare.

Son œuvre (plusieurs centaines de poèmes) ne fut toutefois connue qu'après sa mort, en 1866. Grâce à sa jeune sœur, Lavinia, qui découvrit par hasard la cachette où Emily rangeait ses textes. Un premier recueil parut en 1890, publié par ses amis Thomas W. Higginon et Mabel Loomis Tood. Mais, croyant bien faire, ils trahiront Emily en altérant gravement les textes. Il faudra donc attendre... 1955 et l'édition établie par Thomas J. Gordon, Les Poèmes d'Emily Dickinson, pour avoir enfin, et sans corrections incongrues la quasi intégralité de l’œuvre.

Françoise Delphy, qui a consacré dix ans de sa vie à la traduction des poèmes d'Emily, explique : « C'est une poésie vibrante, parfois effrayante, toujours au bord d'un abîme.

Elle est souvent violente, nous force à réagir : Oses-tu regarder une Âme chauffée à blanc ? Elle passe d'un extrême à l'autre. De Tandis que je mourrai, j'ai entendu une Mouche à Enivrée d'air et débauchée de Rosée, elle ne cesse de nous surprendre, d'autant que nul titre ne nous donne des indications préalables. Sur 1789 poèmes, il y en a une centaine qui nous laisse indifférents. Si on compare avec d'autres poètes, c'est une réussite exceptionnelle ».

Ne pas oublier qu'Emily Dickinson, souvent présentée comme une vieille fille coincée, uniquement occupée de ses fleurs et de ses gâteaux (on vend à Amherst la recette de son succulent gâteau au chocolat), évoluait dans la très-puritaine société de la Nouvelle(Angleterre : la danse et les jeux de carte étaient interdits, les romans étaient suspects d'inciter à la débauche, les goûters de femmes se déroulaient sous la présidence (pour ne pas dire la surveillance) de l'épouse du pasteur de l’Église épiscopale. Enfermée chez elle, Emily pouvait libérer la musique de ses mots : Je ne suis personne/Qui êtes-vous ?/Êtes-vous personne vous aussi ?/Alors on fait la paire – ne le dites pas !/Ils nous banniraient, savez-vous ?

Ajoutons que l'épouse de Samuel Dickinson, Emily Norcross, mère d'Emily, d'August et de Lavinia, resta clouée au lit jusqu'à sa mort, totalement à la charge de ses filles. Le miracle, c'est que malgré cet enfermement Emily a écrit des poèmes plus incandescents, plus libres, plus vivants, que ceux des poètes supposés être les plus « libérés ».

Alain Sanders

Légende de la photo :
Emily Dickinson : « Ils me voulaient calme ! S'ils avaient pu jeter un œil... »

 

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