Les femmes dans la musique du Texas

 

L’une des premières femmes à s’être affirmée dans une musique texane jusque-là largement dominée par les hommes, fut Texas Ruby (voir notre numéro de Country Music Attitude de mai 2010, numéro 143). Née en 1908, Ruby Agnes Owens (elle ne deviendra « Texas Ruby » que plus tard) comptait parmi ses proches une nièce, Laura Lee Owens McBride qui, dans les années quarante, chanta avec Bob Wills et ses Texas Playboys. Membre du Grand Ole Opry, de 1944 à 1948, avec son mari, le talentueux fiddler Curly Fox, elle enregistra pour Columbia et King. On lui doit, en solo ou avec Curly, de nombreux albums très honky-tonk. Elle a écrit la plupart de ses chansons

De 1948 à 1962, le couple fit les beaux jours des honky-tonks de Houston, Texas. Revenus à Nashville en 1963, Curly Fox et Texas Ruby enregistrèrent un album qui, pensaient-ils, faciliterait leur retour sur le devant de la scène. Malheureusement, peu de jours après la sortie de l’album, Texas Ruby s’endormit – pendant que Curly était sur la scène du Grand Ole Opry – dans son mobile home, une cigarette à la bouche. Paix à ses cendres…

Autre chanteuse texane à forte personnalité, Charline Arthur. En 1945 – elle a alors 15 ans – elle quitte sa ville natale de Paris, Texas, pour se produire dans un medecine show. Quatre ans plus tard, mariée à Jack Arthur, elle écume les honky-tonks et connaît le succès avec un morceau très enjoué, I’ve Got The Boogy Blues (pour le label Bullet).

Le colonel Parker – oui : le futur mentor d’Elvis Presley – l’ayant entendue sur une radio de l’ouest texan, en 1952, la présente aux RCA Records. Elle tournera dès lors avec les plus grands de la country, se produisant ainsi au Louisiana Hayride (Shreveport) et au Big D Jamboree (Dallas).

L’idylle avec RCA ne va pas durer. Charline a un caractère explosif et n’accepte pas qu’on lui demande de modérer les textes de ses chansons. En 1956, elle quitte RCA. Commencent alors pour elle des temps difficiles pendant lesquels elle va se produire dans d’obscurs honky-tonks. Dans les années soixante-dix, elle fait un retour mais doit bientôt abandonner le métier à cause d’une arthrite déformante aux mains. Elle est morte en 1987. Elle avait 58 ans. Charline Arthur

 

L’idylle avec RCA ne va pas durer. Charline a un caractère explosif et n’accepte pas qu’on lui demande de modérer les textes de ses chansons. En 1956, elle quitte RCA. Commencent alors pour elle des temps difficiles pendant lesquels elle va se produire dans d’obscurs honky-tonks. Dans les années soixante-dix, elle fait un retour mais doit bientôt abandonner le métier à cause d’une arthrite déformante aux mains. Elle est morte en 1987. Elle avait 58 ans.

Avec Cindy Walker, de Mexia, Texas, nous avons à la fois – comme pour Texas Ruby – une chanteuse et une songwriter. Elle se fait connaître en 1941 lors d’un voyage à Los Angeles avec ses parents. Elle restera treize ans en Californie où elle écrira des centaines de chansons qui, pour certaines, connaîtront le succès : Dream Baby (chantée par Roy Orbison), You Don’t Know Me (créée par Eddy Arnold et reprise plus tard par Ray Charles et Mickey Gilley), Cherokee Maiden, Bubbles In My Beer, Dusty Skies (portées par Bob Wills).

Cindy Walker tournera aussi des soundies (des genres de scopitones), ancêtres des vidéos, et on la verra au cinéma aux côtés de Gene Autry. L’un de ses morceaux, When My Blue Moon Turns To Gold Again, se classera numéro 10 en 1944.

En 1947, elle quitte la scène pour se consacrer à l’écriture. En 1954, elle revient s’installer à Mexia et écrit avec sa mère, Oree Walker, qui l’accompagne au piano (Oree est morte en 1991). Cindy Walker fut la première femme introduite au Nashville Songwriters Hall Of Fame.

Quittons un peu la country pour fouiner du côté du blues et du gospel. Avec « Sippie » Wallace née Beulath Thomas à Houston en 1899. A sept ans, elle joue de l’orgue à l’église. Installée à Chicago dans les années vingt, elle enregistrera quelques morceaux de blues remarqués par le label Okee. Blues ou gospel ? « Pour moi, c’est la même chose, dira-t-elle dans une interview de 1958. En ce moment, je joue dans une église. Il n’y a pas un mot dans la Bible disant que vous irez en enfer si vous jouez du blues. Si vous pouvez chanter du gospel, vous pouvez chanter du blues. La seule chose qui différencie l’un de l’autre, ce sont les textes. Là où vous dites “Lord” en ce qui concerne le gospel, vous dites “Daddy” quand c’est du blues… »

.....................Janis Joplin ..........................................Carmen y Laura...........................................Elle Mae Morse ...................................Selena Quintilla

« Sippie » Wallace enregistrera jusqu’à sa mort, parfois avec Bonnie Raitt. Cette dernière a d’ailleurs enregistré des chansons assez osées de « Sippie », dont Mighty Tight Woman et Women Be Wise.

Pianiste et chanteuse, Katie Webster est née en 1939 à Houston. Dans le livre Meeting The Blues, elle explique : « J’ai eu un petit peu de tout dans ma vie. Je n’ai pas seulement fait du blues. J’ai fait de la country & western, du gospel. Mon père était pasteur et ma mère missionnaire et pianiste classique. »

Cela pour signaler que sa mère n’était pas enchantée qu’elle fasse du jazz ou du blues sur le piano familial, bien que la famille compte, parmi ses amis, des artistes de blues comme Amos Wilburn et Little Willie Littlefield. Katie, elle, craquait pour Ella Fitzgerald et Sarah Vaughan.

Pendant sa carrière, qui débuta dans les années cinquante, elle se produisit et enregistra avec des artistes aussi divers que James Brown, Juke Boy Bonner, Otis Reding, etc. Katie Webster est morte en 1959.

Ella Mae Morse, née à Mansfield, Texas, fut d’abord la chanteuse type de Big Bands. A 13 ans, ne doutant de rien, elle auditionne avec le Jimmy Dorsey’s Band à l’Alphus Hotel de Dallas, prétendant qu’elle avait 19 ans… Et elle fut engagée. Jimmy Dorsey, ayant découvert la vérité sur son âge, la renvoya. En 1942, elle est engagée au sein du Freddie Slack’s Band. Avec le groupe, son Cow Cow Boogie devint le premier Gold Record de Capitol. En 1943, elle entame une carrière solo qui va durer jusqu’en 1957. Mais elle continuera à tourner jusqu’en 1987. Décédée en 1999, elle a fait du jazz, de la country, de la pop, du rythm’n’blues et, un peu avant beaucoup d’autres, du rock’n’roll avec des morceaux comme Blacksmith Blues, Milkman, Keep Those Bottles Quiet, House Of Blue Lights.

.....................Chelo Silva .............................................Cindy Walker ...........................................Marcia Ball .....................................Michelle Shocked

De la country au tejano en passant par le blues, il n’y a qu’un pas. Nous le franchissons avec Selena Quintilla Pérez. Née à Freeport, Texas, elle commence dans l’orchestre dirigé par son père, Abraham Quintilla. Mignonne comme un cœur, intelligente, dotée d’une voix exceptionnelle et d’un jeu scénique du même calibre, elle connaît très vite le succès. L’écrivain Ramiro Burr a dit d’elle : « Le grand talent de Selena fut le don de réinventer la classique cumbia mexicaine en en faisant un truc endiablé, propice à la danse. Ses hits pop étaient parsemés de bonnes accroches, des chœurs, des improvisations de salsa et même une fièvre reggae galopante. »

Mais Selena ne fut pas la première Tex-Mex à accéder au statut de star. Avant elle, il y eut Chelo Silva et Lydia Mendoza surnommées Las Grandes de Tejas (« Les Grandes du Texas »). Leur renommée dépassa d’ailleurs le seul Texas pour s’étendre à l’Amérique latine.

Lydia Mendoza, alias « l’alouette de la frontière », est née à Houston en 1916. Sa famille bougera beaucoup (et notamment au Mexique) mais se fixera à San Antonio en 1927. En 1928, elle enregistre ses premiers disques pour le label Okee. Un jour qu’elle jouait au Haymarket Square (la fameuse Plaza del Zacate), elle fut remarqué par un talent scout, par ailleurs homme de radio, Manuel J. Cortez. En 1934, elle enregistre Mal Hombre en s’accompagnant sur une guitare douze cordes. Avec ce morceau, elle va devenir une star du jour au lendemain. Elle jouera jusqu’à sa mort en 1988. En 1999, onze ans après sa disparition, donc, Clinton la décorera, à titre posthume, de la National Medal Of Arts. Elle avait aussi enregistré en duo avec sa mère, Leonor, et en trio avec ses sœurs, Maria et Juanita. Lesquelles firent carrière sous le nom de Hermanas Mendoza (« les sœurs Mendoza »).

Chelo Silva, elle, fut la reine incontestée du boléro, un genre difficile pour les femmes compte tenu des paroles de chansons mettant en cause les hommes pour leurs infidélités et leurs mauvaises manières.

Née à Brownsville en 1922, elle commença de s’y produire au Continental Club. En 1954, elle enregistre pour le label Falcon. Si l’on en croit le livre Tejano Roots : The Women (1946-1970), elle fut la chanteuse qui vendit le plus de disques des deux côtés de la frontière. Peu de temps avant sa mort, en 1988, elle chantait encore dans le Rosedale Park de San Antonio, accompagnée par un accordéoniste de légende, Flaco Jiménez.

A citer, encore, le duo Carmen y Laura, les sœurs Hernandez nées à Kingsville en 1921 et 1926. Carmen avait épousé Armando Marroquin qui, après la Seconde Guerre mondiale montera sa maison de disques, d’abord pour y produire sa femme et la sœur de cette dernière. Les choses ne se passant pas trop mal, il crée Ideal Records avec un homme d’affaires, Paco Betancourt. De leurs côtés les deux sœurs, soutenus par Ideal Records, partent en tournée, souvent avec des orchestres de danse comme ceux de Beto Villa et Pedro Bugarin (tous deux de l’écurie Ideal records).

Et rayon rock ? Eh bien, impossible de passer à côté de Janis Joplin, née à Port Arthur en 1943. A l’université du Texas, à Austin, dans les années soixante, Janis fait la connaissance d’une bande de musiciens folk qui viennent chanter dans un beer joint de Ken Threadgill. A leur répertoire, des chansons de Jimmie Rodgers notamment. Voulant voit du pays, Janis s’installe à San Francisco et tourne hippy…Avec des musicos de même sensibilité, elle commence à se produire. En 1967, sa prestation au Monterey Pop Festival fait d’elle une vedette. Le problème, c’est que Janis Joplin, mal dans sa peau, plonge dans les substances mortifères. Elle meurt d’une overdose en 1970.

Si elle est originaire de Louisiane, c’est à Austin que la chanteuse et pianiste Marcia Ball fera carrière dans les années soixante-dix. Elle y sera le leader d’un orchestre de progressive country, Freda and the Firedogs. Habillé en cowgirl, elle reprendra – yoddle compris – le standard de Patsy Montana, I Want To Be A Cowboy Sweetheart. Parmi ses autres influences – et pour le coup très différentes – les chanteuses Irma Thomas, Etta James, et le pianiste de New Orleans, Professor Longhair. Aujourd’hui, toujours rockeuse, Marcia a sa musique bien à elle, faite d’un mélange de country, de blues, de rock, de zydéco.

Autre chanteuse inclassable, Michelle Shocked, née en 1962 dans l’est du Texas. De sensibilité punk, elle émerge en 1987 avec son album Texas Campfire Tapes enregistré alors qu’elle chantait au festival off du Kerville Folk Festival. Par la suite, elle a fait un album de swing Big Band, et Arkansas Traveler (des chants tirés des minstrel shows).

Alain Sanders

Pour en savoir plus : le très savant Finding Her Voive : The Saga Of Women In Country Music.

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