Nic Pizzolatto : GALVESTON
What I love about Texas…

 

D’entrée de jeu, vous savez que vous allez accrocher à l’histoire de Roy Cordi (1), homme de main d’un pourrave de New Orleans, dont on découvre les malheurs (et pas de la petite bière en l’occurrence…) en 1987. Pour le retrouver en 2008, homme à tout faire, dans un motel de Galveston, Texas. Cassé. Brisé. Mais vivant…

Curieusement l’éditeur (ou le traducteur, allez savoir) nous dit en manière d’accroche : « Un premier roman puissant sur fond de blues. » Un roman puissant, certes. Mais sur fond de blues ? Alors que ce genre musical n’est pas une seule fois évoqué au fil des quelque 350 pages… Et que le mot « blues » n’apparaît pas une seule fois, même dans l’expression rebattue « avoir le blues ».

En fait, si ce grand premier roman s’inscrit sur un « fond » quelconque, c’est sur celui de la country music omniprésente tout au long du récit. Roy Cordi écoute des cassettes (nous sommes en 1987…) de Billy Joe Shaver, de Loretta Lynn, de de Roy Orbison, de George Strait, de rock tex-mex. Et quand il évoque sa mère, disparue tragiquement quand il était gamin, c’est pour rappeler qu’elle écoutait Hank Williams et qu’elle chantait des chansons de Jean Sheperd et de Patsy Cline (et notamment, de cette dernière, Poor Man’s Roses).

Pour finir de vous convaincre de l’atmosphère très white trash de ce road trip sanglant, cette description d’un honky tonk de Lake Charles : « Dans le bar de la fumée ondoyait autour des boucles raides et hautes des cheveux de femmes ; on aurait dit du brouillard autour d’icebergs.

Le drapeau national et celui de la Confédération pendaient à un mur noir au-dessus d’un portrait de Ronald Reagan et de son héroïque coiffure. Quand j’ai entendu du Waylon passer dans le juke-box et des voix amicales bavarder, je me suis dit que ça irait. » Le « Waylon » en question étant bien sûr Waylon Jennings et pas un hypothétique bluesman… Ce qui, pour le lecteur français lambda aurait mérité une note explicative du traducteur (mais il n’est pas forcément branché country).

Mais ne chipotons pas plus et laissons nous porter au gré de la cavale de Roy, de Rocky, une jolie fille de 18 ans déglinguée par la vie, et de Tiffany, une fillette de 3 ans donnée comme étant la « sœur » de Rocky.

New Orleans 1987, donc. Le même jour, Roy apprend qu’il a un cancer du poumon et que son patron, le très pourri Stan Ptiko, lui confie une mission qui va se révéler tout aussi pourrie. Il en réchappe. Et commence alors, avec Rocky et Tiffany, une fuite éperdue jusqu’à Galveston où le trio trouve asile dans un motel miteux des bords de mer.

Galveston 2008. Roy a commencé une nouvelle vie. Vingt ans ont passé. Et, croit-il, l’oubli. Jusqu’au jour où son patron, Cecil, lui dit qu’un homme est passé le demander…

« Entre le Faucon maltais de Dashiell Hammet et les nouvelles alcoolisées de Raymond Carver, Nic Pizzolato nous livre un roman sublime porté par une voix aussi lyrique que virile », écrit The Dallas News. Dennis Lehane, auteur prolifique qui sait ce dont il parle, met quant à lui Galveston à la hauteur de La Griffe du passé de Jacques Tourneur, de Tirez sur le pianiste de David Goodis, d’Un faux mouvement de Carl Franklin, du Dalhia noir de James Ellroy. Pas mal pour le premier roman d’un jeune écrivain, non ? Eh bien, c’est largement mérité !

Alain Sanders

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(1) Mais on apprend que le vrai nom de Roy Cordi est en fait Robicheaux. Oui : Robicheaux, comme Dave Robicheaux, le héros louisianais de James Lee Burke…

- Editions Belfond.

 

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