Edward Abbey, Le Gang de la clef à molette
Quatre, impair, passe et manque…

 

Edward Paul Abbey (1927-1989) est né à Indiana, Pennsylvanie. Une enfance dans les Appalaches et une passion : l’Ouest américain et, conséquemment, les westerns. En 1944 – il a alors 14 ans – il taille la route façon Go West, Young Man et découvre les paysages dont il a rêvé. Et il remettra ça à 21 ans.

Deux de ses romans ont été adaptés au cinéma : The Brave Cowboy (1950 sous le titre Seuls sont les indomptés (Donald Trumbo, 1962) et Le Feu sous la montagne (1962) sous un titre éponyme (John Sacret Young). On annonce le tournage de son chef d’œuvre, Le Gang de la clef à molette (titre original : The Monkey Wrench Gang) paru en 1975 et réédité par Gallmeister dans une très belle traduction de Jacques Mailhos. Une question cependant : alors que toutes ses notes de bas de pages sont judicieuses, pourquoi ne signale-t-il pas que Kemosabe (en fait Kemo Sabi, à savoir "Ami fidèle") est le surnom que Tonton donnait au Lone Ranger ?

Le gang en question, armé de clefs à molette, mais surtout d’explosifs, est composé de quatre personnages hauts en couleurs, ligués pour saboter – au nom du respect de la nature sauvage – les installations touristiques ou industrielles qui, à leur sens, défigurent les grandioses paysages de l’Ouest.

Il y a George W. Hayduke, un béret vert, ancien du Vietnam, grand amateur de bière. Un chirurgien à qui on ne confierait pas forcément son corps, A.K. Servis, alias "Doc", fumeur de cigares et banquier du gang. Sa compagne, la superbe Ms Bonnie Abbzug. Seldom Seen Smith, mormon en rupture de ban, mais toujours polygame.

C’est un gros livre : près de 500 pages. Mais on ne s’ennuie pas une seule seconde tant ces écolo-terroristes ont l’imagination fertile. Ils ne reculent devant aucune extravagance et surtout pas les coups foireux. Ils manient la dynamite comme qui rigole, font dérailler des trains, sabotent des bulldozers, explosent des bâtiments avec délectation.

Inutile de dire que leurs actes délictueux au regard de la loi leur valent un certain nombre d’ennemis, à commencer par un évêque mormon pas très catholique… Le livre est illustré par Crumb, dessinateur undreground, qui remet une couche de piment sur des aventures déjà très épicées.

On a écrit, de façon un peu rapide, que Le Gang de la clef à molette (ainsi que sa suite, Le Retour du gang à la clef à molette ; titre original : Hayduke lives !) était un livre subversif. Pourquoi pas ? Mais Edward Abbey a trop d’humour pour tomber dans la démonstration politique. Ses héros sont des anti-héros, pétris de contradictions, des bricolos fantaisistes, et aucunement des donneurs de leçons.

En exergue de l’ouvrage, outre des citations de Richard Shelton, Walt Whitman, Byron, etc., ces deux mots de Thoreau : « Maintenant. Ou jamais ». L’écrivain Larry McMurty, généralement mieux inspiré, a dit qu’Abbey était « le Thoreau de l’Ouest américain ». Soit. Mais en beaucoup moins gonflant alors… Le Gang de la clef à molette est un western moderne, mais tendance western spaghetti : on n’y fait pas couler de sang, mais plutôt des litres de ketchup…

Alain Sanders

- Gallmeister

 

 

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