Melinda Moustakis : Alaska
David Vann : Goat Mountain

Mère Nature, père bordure...

 

Bien que les nouvelles de Melinda Moustakis, Alaska, et le roman de David Vann, Goat Mountain, soient tous deux publiés dans la collection “Nature Writing” des Editions Gallmeister, ils relèvent de deux natures différentes. Encore que…

Melinda Moustakis est née à Fairbanks, Alaska, et a grandi à Bakersfield, Californie. David Vann est né sur l’île Adak, en Alaska, et son roman a pour cadre le nord de la Californie.

Alaska est le premier ouvrage de Melinda Moustakis. Goat Mountain est le cinquième livre de David Vann après Sukkwan Island, Désolations, Impurs et Dernier Jour sur la terre (tous ouvrages publiés en France par Gallmeister).

Avec Melinda Moustakis, petite-fille de pionniers et nièce d’un pêcheur de truites, on n’est pas dans la chochotterie. Comme l’écrit Publishers Weekly, “elle nous entraîne dans un monde rempli de personnages bourrus, de paysages à couper le souffle, rendus avec fougue”.

Ses personnages, ce sont ceux de l’Amérique conquérante, des trappeurs, des coureurs de bois, des chasseurs, des pêcheurs, des hommes et des femmes qui n’ont jamais eu le temps ou le goût de s’apitoyer sur eux-mêmes. Les paysages sont rudes. Les gens qui y vivent, qui essaient d’y vivre, ne le sont pas moins.


Ils prennent des coups. Ils en rendent le double. Et ils se ravigotent autour d’un feu de camp, avec le gibier de leurs chasses, quelques bouteilles et des diseux capables de raconter jusqu’au bout de la nuit des histoires presque vraies… Comme celles que nous raconte, avec un véritable talent d’écriture, Melinda Moustakis.

One shot, one deadman

Avec Goat Mountain de David Vann, nous changeons de registre. Le pitch de ce roman est à la fois simple et tragique. A l’automne 1978, dans le nord de la Californie, c’est l’ouverture de la chasse sur les 250 hectares du ranch Goat Mountain.

Un garçon de 11 ans, son grand-père, son père et un ami de la famille sont là pour tirer le cerf. Au loin, ils aperçoivent un braconnier. Le père l’observe dans la lunette de son fusil et il invite son fils à en faire autant. Le gamin prend le fusil. Et c’est le drame : “Ma main se resserra autour de la crosse, je retins mon souffle (…). Le monde entier explosa en son noyau et je fus projeté dans les airs, je retombai par terre (…). L’arme à côté de moi dans la terre, ma main droite encore accrochée à la crosse”.

C’est un accident, certes. Mais aux conséquences incalculables. David Vann explique :
- Le garçon ne se sent pas mal d’avoir fait ce qu’il a fait, et ça pose un énorme problème à son père, lequel est un homme moral, et à son ami, qui ressemble à M. Tout-le-Monde.

La suite, je vous la laisse découvrir, bien sûr.

Ce n’est pas, au moins à mon goût, le meilleur livre de David Vann. Parce que trop manichéen et, de ce fait même, largement caricatural. Il est néanmoins servi par une prose dru, sauvage, voire poétique.

 

Même si, répétons-le, Vann, qui nous a habitué à mieux, tourne là au donneur de leçons politiquement correct. Il a peut-être des comptes à régler avec sa famille (il a tué son premier cerf quand il avait 11 ans, comme le héros de son livre et ça l’a marqué, peut-être traumatisé), mais ce n’est pas une (bonne) raison d’ériger un tragique fait divers à la hauteur d’une fable contestataire et de mettre en accusation – lui qui ne vit d’ailleurs plus aux Etats-Unis – une frange importante de l’Amérique attachée à la Constitution qui stipule le droit des citoyens de posséder une arme.

Alain Sanders

 

 

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