David Vann : Impurs
Une descente aux enfers

 

Né en 1966 sur l’île Adak, Alaska, David Vann est l’auteur de Sukkwan Island (Gallemeister, prix Médicis étranger 2010) et de Désolations (Gallmeister), deux ouvrages dont nous avons déjà eu l’occasion de louer les qualités.

On l’attendait un peu au détour de son troisième roman. Si les deux précédents étaient des œuvres d’une totale sombritude, Impurs est, si faire se peut, encore plus désespérément sombre. « Brillant, audacieux, inattendu, saisissant », a écrit San Francisco Chronicle. Certes. Mais aussi diabolique, haletant, dérangeant, torturé.

Nous sommes dans l’été 1985. En plein cœur de la Vallée Centrale de Californie. Galen vit avec sa mère et sa grand-mère. Une mère possessive. Etouffante. Pas du genre à aider à l’épanouissement d’un ado déjà porté plus que de raison sur des introspections malsaines et la lecture de magazines pornos (le titre original du roman est : Dirt).

La mère, le fils, la grand-mère qui n’a plus toute sa tête, vivent en circuit fermé. Leurs seuls contacts avec le monde « extérieur » sont les visites épisodiques de la tante et de la cousine de Galen, Jennifer, une Lolita sexy, perverse, tentatrice : « J’aime comme ma peau est douce (…). Elle fit glisser ses doigts à l’intérieur de sa cuisse. C’est incroyable, dit-elle. Tu veux toucher ? »

S’il veut toucher ? Il en meurt d’envie lui qui s’épuise sur les pages glacées de Hustler où s’offrent des corps de rêve.

La tante et la cousine sont surtout intéressées par l’argent de la grand-mère halzeimérisée et sous la tutelle de la mère de Galen. Elles veulent leur part d’un magot qu’elles soupçonnent – à juste titre – d’être phagocyté par Galen et sa mère. Cette suspicion permanente – cette haine – entre les deux sœurs et les approches touche pipi de Jennifer ne contribuent pas à installer la sérénité dans une famille très border line. Tout au contraire.

On tutoie le clash à chaque instant. On flirte avec les sentiments les plus bas. On s’achemine, lentement mais sûrement, vers le drame.

Le final de ce livre – que nous tairons, bien évidemment – est hallucinant de cruauté. Il y a là des pages difficilement supportables. D’autant plus que la marche vers le dénouement est racontée de manière quasiment clinique. Avec un Galen qui ferait passer le très secoué héros de Psychose pour un gentil garçon presque normal…

La folie douce de Galen se transforme en folie meurtrière, délirante. Avec cette logique implacable qui est souvent celle des doux dingues. David Vann, au sommet de son art, a réussi avec Impurs à nous mener jusqu’au bout de l’indicible.

Alain Sanders

http:www.atelier-folfer.com

 

Tous droits réservés - Country Music Attitude 2013