Jayne Mansfield 1967 de Simon Liberati

Une étoile est morte

 

Elle avait été surnommée « Le Buste ». C’était une description. Mais, ô combien, réductrice et caricaturale. Tuée dans un tragique accident en juin 1967, à l’âge de 34 ans, Jayne Mansfield n’avait pas la cote auprès des bien-pensants et ne l’avait plus auprès de ceux qui, du temps de sa jeune gloire, lui ciraient les pompes. On lui avait fait – et elle avait laissé faire – une réputation de dumb blonde (« blonde stupide »). Alors qu’elle avait un QI de 163, qu’elle était pianiste et violoniste classique, qu’elle parlait cinq langues, qu’elle s’occupait très maternellement de ses enfants. Un cœur plein d’amour(s). Dans un livre d’une écriture incisive et rapide, Simon Liberati raconte les jours et les heures précédant sa mort. Requiem pour une infante défunte…

C’est un récit passionné. Passionnant. Un livre d’amour aussi. Liberati a 17 ans quand il tombe à jamais amoureux d’elle après l’avoir découverte sur la couverture (et pas dans les draps…) de la biographie que lui consacra Kenneth Anger, Hollywood Babylone.

On a voulu comparer – mais surtout pour les opposer – Marilyn Monroe et Jayne Mansfield. Des « choses » en commun ? Sans doute. A commencer par des plastiques pulpeuses, des postures de sex symbols des années cinquante, d’incicatrisables fêlures. Une désespérance traitée à coups de médocs peu recommandables (et encore moins recommandés) et d’alcools rudes. Restent des différences. Peu intéressée par les choses du sexe, Marilyn aspirait au statut d’intellectuelle. Intello in disguise, Jayne laissait exploser une sexualité grandiloquente et provocatrice. Elle aurait peut-être méritée – plus que Marilyn – un Arthur Miller qui aurait su l’aimer.

On connaît la plupart des hommes, y compris les moins intéressants, qui ont traversé la vie de Marilyn. On ne sait rien, à part deux ou trois, de tous ceux qui ont accompagné celle de Jayne.

Simon Liberati écrit : « Jayne Mansfield est une femme phallique. Elle veut la castagne. Elle est frontale et agressive. Elle a été tuée par sa force. Sa vie est une fuite en avant. Elle aurait fini dans la pornographie. »

Dans l’épave de la Buick Electra 225 encastrée sous un 50 tonnes sur une route de Louisiane qui l’emmenait de Biloxi à New Orleans en pleine nuit, on retrouvera son corps, affreusement mutilée (sa tête broyée et non décapitée comme on le prétendit pour ajouter de l’horreur à l’horreur), trois de ses enfants (sains et saufs), ses chihuahuas (moins Popsicle, évaporé dans la nature), et les cadavres de deux hommes (son compagnon, Sam Brody, et le chauffeur occasionnel de la Buick). Elle avait dit un jour : « Je crois aux entrées flamboyantes. » Elle ne ratera pas sa sortie (1).

Mais, ayant raté sa carrière cinématographique, elle entama une lente descente aux enfers : LSD, régimes à répétition, shows misérables dans les fêtes foraines et les juke joints, fréquentation du sataniste Anton LaVey (gourou charlatanesque de la Church of Satan), passades avec des abrutis qu’elle aurait dû fuir comme la peste…

Si on dit qu’elle a raté sa carrière cinématographique, il faut cependant nuancer. La série des « Blondes », dont La Blonde et moi (1956), ne sont pas de mauvais films. Et sa prestation dans The Burglar (« Le Cambrioleur », 1957), montre l’actrice qu’elle aurait pu être si on ne l’avait cantonnée dans des navets consistant à exploiter ses formes généreuses.

Une vie en noir. Et paradoxale pour une jeune femme passionnée par les roses et la couleur du même nom (toutes ses voitures étaient roses, sauf celle dans laquelle elle morte).

Alain Sanders

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(1) « Fidèle à sa stratégie du crescendo, Jayne Mansfield sut soutirer au diable la sortie la plus spectaculaire des années bitume, douze ans après James Dean », écrit Simon Liberati.

- Grasset.

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