Le polar sioux sort de sa réserve

 

Le premier roman de David Heska Wanbli Heiden, Justice indienne (titre original : Winter Counts), publié chez Gallmeister, n'est pas une ces indiâneries bisounours écrites par des Blancs confits en repentance ou des Amérindiens gémissants.

Membre de la nation lakota sicangu, l'auteur porte un regard sans complaisance sur les Indiens lakotas, plus connus sous le nom de Sioux. Un nom que les Lakotas, les Dakotas et les Nakotas récusent et n'utilisent jamais. Sioux, c'est le surnom que leur ont donné les Indiens sauteux (ou sauteaux, aussi appelés Ojibwés ou Anichinabés) : nahdossiou, qui a donné sioux, signifie « serpents perfides ». Le mot lakhôta signifie « amitié », ce qui est quand même plus gratifiant...

L'action se passe dans la réserve de Rosebud dans le Dakota du Sud. Il faut savoir que, dans les réserves, la police tribale est en principe chargée de faire respecter la loi et l'ordre. Sauf que cette police ne dispose que de moyens limités et que le système légal fédéral américain – par indifférence, disent les uns, pour ne pas empiéter sur la vie de la réserve, disent les autres – refuse d’enquêter sur la plupart des crimes. Lesquels, de ce fait même, restent généralement impunis.

C'est donc là qu’intervient le héros de notre histoire, Virgil Wounded Horse : moyennant une poignée de dollars, il vient parler du pays aux ordures qui pourraient se croire à l'abri d'une juste punition...

Au volant de sa vieille Ford Pinto, ayant pour camp de base le Depot, le seul bar de la réserve, armé d'un poing américain et d'une batte de base-ball, il va cueillir les méchants pour secouer leurs abattis. Quand bien même ils appartiendraient aux familles les plus puissantes de la réserve. Où règne une corruption permanente et une discrimination raciale féroce à l'encontre des iycokas, à savoir les sangs-mêlés, autant dire des « bâtards » méprisés par les « cent pour cent Indiens »...
Virgil Wounded Horse, justicier autoproclamé, va devoir s'impliquer plus directement quand l'introduction d'une nouvelle drogue frappe la communauté, à commencer par son neveu Nathan, 14 ans, dont il a la tutelle.

Aidé par Marie Short Bear, son ex-petit amie du temps du lycée, il se met sur la piste de vrais charognards qui semblent, de surcroît, jouir de complicités à l’intérieur même de la réserve.

David Heska Wanbli Weiden dit avoir choisi le genre policier pour illustrer sans geindre les problèmes des réserves (à commencer par la drogue qui y fait des ravages), mais aussi pour aller contre les stéréotypes en décrivant – de façon honnête et constructive – la vie dans lesdites réserves : « En fait, les Lakotas affrontent les mêmes problèmes que tout le monde : se battre contre l'administration, essayer de bien élever leurs enfants et vivre dans le monde d'aujourd'hui tout en restant ancrés dans leur culture ».

Le romancier Craig Johnson, auteur de la série « Walt Longmire », qui se déroule dans le Wyoming, dit de ce premier roman : « Mi-roman policier, mi-littérature au couteau, Justice indienne est un roman impossible à lâcher, qui s'accroche et qui vous brûle ».

Il ne serait pas étonnant que l'on retrouve, pour de nouvelles aventures, Virgil Wounded Horse et la pimpante Marie Short Bear, et ce serait tant mieux. Il n' y a guère d'auteurs amérindiens qui ont écrit des romans policiers (sans faire dans le victimaire à chaque page...). Voilà une anomalie corrigée – et de quelle façon !

Alain Sanders

 

Tous droits réservés - Country Music Attitude 2021