On the road again !

William T. Vollmann : Le Grand Partout

 

Né en 1959 à Los Angeles (nobody’s perfect…), William T. Vollmann est un touche à tout de talent : photographe, peintre et – surtout – écrivain. Des romans, des nouvelles, des essais, des récits historiques. Les éditions Actes Sud, qui nous proposent ce Grand Partout (titre original : Riding Toward Everywhere), ont déjà édité de nombreux titres de ce chevaucheur (Rider in the Sky) de rêves : La Famille royale, Central Europe, Les Fusils, etc.

Comme son titre américain le suggère, ce récit relate les pérégrinations d’un homme (et même de deux puisque Vollmann voyage avec son pote Steve Jones) qui, de manière plus ou moins clandestine – et donc illégale – « brûle le dur ». C’est-à-dire qu’il s’en va, au hasard des trains et des opportunités, à la découverte de l’Amérique profonde.

Un hobo, Vollmann ? Il a trop de respects pour ces hommes qui, à la différence de lui, n’avaient pas de plans B pour s’en sortir, pour se parer d’un tel titre. Il l’explique : « Ce livre est dédié à Steve Jones, qui n’a jamais prétendu que nous étions des hobos, ni lui ni moi, et qui a ainsi inventé le mot fauxbeaux, qui a fêté ses cinquante ans en chevauchant les rails avec moi, qui chevauchait les rails avec moi quand j’ai fêté mes quarante-sept ans, qui ne m’a jamais fait culpabiliser quand je disais que tel ou tel train allait trop vite pour moi, et qui reste le chrétien le plus admirable qui m’ait jamais offert un cigare, qui ait jamais bu mon alcool ou qui ait jamais hurlé Fuck ! dans la nuit parfumée au diesel. »

Il y a bien sûr de la pose intello dans cette « chevauchée » sur les rails de la vie. Vollmann, écrivain reconnu et célébré comme tel, n’est pas un damné de la terre. Il le sait. Et il sent qu’il a quelque part « trahi » ce qu’avaient été son grand-père et son père, ce qu’ils avaient vécu : « Une génération plus inculte, complaisante, égocentrique et provinciale que la mienne. » Et l’on prendra comme un aveu contrit cette confidence : « Je suis le fils de mon père, c’est-à-dire que je ne suis pas tout à fait mon père. »

Il écrit encore : « Je préfère encore l’outrecuidance corrosive et souvent assommante de mon grand-père à la moutonnerie tout aussi butée de mes voisins. Mais dois-je pour autant le considérer comme un non-conformiste ? » Bien sûr, William ! Et à l’évidence plus que vous qui, au détour de telle ou telle réflexion, laisse échapper des clichés « politiquement corrects » qui finissent par en dégouliner de conformisme moutonnier. Il ne suffit pas de partir à la découverte du Grand Partout si, dans sa tête, on reste enfermé dans le convenu bobo. On le sait, bobo et hobo ce n’est pas le même combat…

Illustré des photos de cette errance de « clochard céleste », le road movie de Vollmann nous raconte une Amérique rêvée et réelle. Et il y a belle lurette que, pour notre part, nous avons converti ce rêve en réalité(s).

Alain Sanders

- Actes Sud

 

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