Dans le Texas des années rudes

Le Vent

de Dorothy Scarborough

 

Publié en 1925 aux Etats-Unis, le roman de Dorothy Scarborough (1878-1935) , Le Vent, fut très mal accueilli par les Texans (1), vexés de cette image d’un Texas ravagé par des vents meurtriers et des tempêtes impitoyables. A tort. Car, à bien la lire, on se rend compte que cette histoire est – aussi – un formidable hommage à ces hommes qui, malgré une nature souvent hostile, s’accrochèrent à leur terre. Il n’empêche qu’à l’époque la pauvre Dorothy fut accusée d’être une inopportune Yankee !

C’était pourtant une vraie fille du Sud. Dorothy Emily, fille de Mary Adelaide Ellison et de John Bledsoe Scarborough, un vétéran confédéré louisianais, est née à Tyler, Texas.

En 1882, la mère de Dorothy souffrant des bronches, la famille part vivre dans un endroit sec, à Sweetwater, Texas, où se déroule l’action du roman. En 1887, les Scarborough déménagent à Waco, Texas, pour scolariser leurs enfants (Dorothy, donc, son frère George, et sa sœur, Martha). On le voit : non seulement Dorothy n’est pas une Yankee, mais c’est une Sudiste et, plus que ça, une Texane bon teint.

Diplômée en littérature (1906-1910) de l’Université de Chicago, la jeune fille passera une année (1910-1911) à Oxford (Angleterre), bien que les femmes n’y soient pas admises à l’époque. En 1917, docteur ès lettres de l’Université de Columbia, elle enseigne dans ladite université le creative writing, la littérature, l’anglais.

Membre de la Texas Folklore Society (fondée en 1910), passionnée de folklore au sens noble du terme, elle publiera notamment : On the Trail of Negro Folksongs (1925), A Song Catcher in the Southern Mountains (1937, paru après sa mort), In the Land of Cotton (1923), Can’t Get a Redbird (1929), From a Southern Porch (1918), The Story of Cotton (1923), etc.

Mais son grand œuvre est incontestablement Le Vent. C’est l’histoire d’une toute jeune fille (une sorte de Scarlett O’Hara au départ, mais de Virginie), Laetitia Mason (que l’on appelle « Letty », comme on a appelé Dorothy « Dottie »…). Elevée dans un cocon (et dans du coton), elle se retrouve orpheline, sans ressources, et contrainte de quitter son paradis virginien pour aller vivre chez un sien cousin, Beverly, éleveur de bétail à Sweetwater, Texas. Et marié à une rude et flamboyante Texane, Cora, qui ne voit pas d’un très bon œil cette mijaurée venue de l’Est.

Dans le train qui l’emmène vers Sweetwater, Letty va faire la connaissance de Wirt Roddy, un séduisant négociant de Fort Worth, qui lui dresse un tableau apocalyptique de la vie dans ce trou d’enfer, ce hell hole, qu’est la région où elle va vivre. Des vents terrifiants, des tempêtes à décorner les Longhorns, le sable qui entre partout, la sécheresse, des cowboys mal dégrossis.

Elle vérifiera, et de façon douloureuse, qu’il n’a pas noirci le tableau. Pour échapper à Cora et en partie pour essayer de faire bouger les choses, Letty va bientôt épouser Lige, un de ces cowboys mal dégrossis, aux antipodes des gentlemen et des dandies de la verte Virginie…

Une chanson, adaptée d’un poème de Victor Hugo, dit : « Le vent qui vient à travers la montagne me rendra fou ». Là, c’est le vent qui balaie les plaines qui affole et rend folle la jeune femme. Quotidiennement, elle doit se battre contre cet ennemi implacable. Et le faire dans des conditions de dénuement extrême aux côtés d’un mari qu’elle n’aime pas.

Par trois fois, Wirt Roddy viendra lui rendre visite. Le deux premières au grand déplaisir de Lige. La troisième, un soir de tempête abominable qui tient Lige loin de la maison. Pas question de vous dire la suite de cette tragédie texane, bien sûr, sinon que Letty … eh bien, non, même pas…

Le Vent est un sombre roman plein de bruit(s) et de fureur(s). Dans ce Texas qui, écrit Dorothy Scarborough, est « un monde sans repères ». Ce fut le vent qui fut la cause de tout. Et d’abord de la santé mentale d’une jeune femme frêle et sensible, nue et désincarnée face à de tels déchaînements.

Alain Sanders

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(1) Le Vent a été adapté au cinéma en 1928 (à l’époque encore du noir et blanc et du muet) par Victor Sjöström. Avec, dans le rôle principal, l’adorable Lilian Gish. Et une happy end qui trahit complètement le final du roman…

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