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Winesburg-en-Ohio et Une vie de cowboy

 

Sherwood Anderson : Winesburg-en-Ohio (“L’Imaginaire” Gallimard)

Si les noms de William Faulkner, John Steinbeck, Erskine Cladewell, Ernest Hemingway, Thomas Wolfe, nous sont familiers, celui de Sherwood Anderson l’est beaucoup moins. C’est pourtant lui qui, en grande partie, a influencé les écrivains prestigieux que nous venons de citer.

Né en 1876 à Camden, Ohio, Sherwood Anderson est issu d’une famille rurale pauvre. Son père est un raconteur d’histoires infatigable. Sa mère, une belle jeune femme d’origine italienne (comme le personnage de Meryll Streep dans La Route de Madison), un peu rêveuse. A l’âge de quatorze ans, il arrêtera ses études.

Plus tard, lors de la guerre hispano-américaine, il ira se battre à Cuba. Revenu à la vie civile, il occupe le poste d’administrateur d’une usine de vernis dans une petite ville de l’Ohio (le "Winesburg" de son recueil de nouvelles, Winesburg-en-Ohio). Un emploi qu’il troquera pour travailler dans une agence de publicité pour, un jour, par amour de la littérature dit-on, tout quitter : femme, enfants, métier. Installé à Chicago, intégré à un groupe de journalistes et d’écrivains contestataires, il connaîtra le succès en 1919 avec ses nouvelles. Il est mort d’une péritonite, en 1941, alors qu’il se rendait en Amérique du Sud.

Les nouvelles de Winesburg-en-Ohio, qui sont en fait des chroniques de la vie et des habitants de la petite ville, peuvent se lire indépendamment les unes des autres. Mais elles sont, en fait, liées et reliées entre elles par des protagonistes que l’on retrouve au fil des pages. Et une philosophie générale ainsi résumée : "Au commencement du monde, il y avait d’innombrables pensées, mais ce qu’on appelle une vérité n’existait pas encore. C’est l’homme qui fabriqua les vérités, et chaque vérité est composée d’un grand nombre de pensées vagues. Les vérités étaient éparses dans l’univers et voilées de beauté."

A Winesburg-en-Ohio, il y a des types humains. Tom Willard, l’hôtelier du Nouvel Hôtel Willard. Son fils, George, reporter à L’Aigle de Winesburg, qui rêve d’écrire un article immortel qui le rendra célèbre. Le docteur Reefy marié à une belle jeune fille brune. Le docteur Parcival qui raconte des histoires sans queue ni tête (et donc passionnantes). La jeune Louise Trunion qui en pince pour George Willard. Isaï Bentley qui attend que Dieu lui envoie un message. Alice Hindman, vendeuse à la mercerie Winney. Wash Williams, télégraphiste manipulateur et laid comme le péché. Etc.

L’œil et la plume acérés de Sherwood Anderson mettent tout ce petit monde en musique, avec cruauté parfois, avec tendresse souvent. La deuxième nouvelle du recueil, "Le départ", raconte le jour où George Willard quitte la grande ville en se demandant ce qu’il trouvera au bout de son voyage. Et c’est une sorte d’événement, pour lui certes, mais aussi pour tous les habitants de Winesburg. Dans le train, les yeux fermés, il rêve un peu. "Lorsqu’il revint à la réalité et se pencha de nouveau à la portière, le bourg de Winesburg avait disparu. Toute sa vie ancienne n’était plus qu’un fond, sur lequel il pourrait peindre ses rêves d’homme fait."

Alain Sanders


Alexandra Fuller : Une vie de cowboy (Editions des Deux Terres)

Née en Angleterre, Alexandra Fuller a quatre ans quand elle emménage, en 1972, avec sa famille dans une ferme de Rhodésie (l’actuel Zimbabwe). Plus tard, les Fuller s’installeront en Zambie. Des expériences qui lui inspireront un livre de souvenirs, Larmes de pierre. Une enfance africaine (Calmann-Lévy) et L’Afrique au cœur (Editions des Deux Terres). Aujourd’hui, Alexandra Fuller vit avec son mari et leurs trois enfants au Wyoming et ce sont – what else ? – les cowboys qui l’inspirent.

Parmi eux, Colton H. Bryant. Un vrai cowboy. Qui pourrait être heureux dans ce Wyoming où l’on peut rouler 200 km sans rencontrer personne. Et puis il y a les chevaux, les copains de honky tonk, la chasse, les sorties en pick-up, le rodéo. Mais, fidèle à une tradition familiale il va, comme son père et son grand-père avant lui, rejoindre une équipe de roughnecks, ces ouvriers qui bossent sur les champs de gaz naturel. Et c’est son histoire. Une histoire comme un long fleuve tranquille ? pas vraiment…

Alexandra Fuller écrit : "Dans cette histoire (…) quelqu’un est toujours en train de mourir pour laisser la place à la prochaine vague de gens qui cherchent à tirer profit de cette sensation d’infini." Et aussi : "(…) Comme dans tous les westerns, cette histoire est une tragédie avant même de commencer car ici, personne n’a jamais trouvé le moyen de gagner quand toutes les chances étaient contre lui."

 

A seize ans, on offre à Colton une jument sauvage. Il faut lui trouver un nom. Ce sera Cocoa. Il faut aussi la dresser. Et ça, c’est une autre paire de manches… Colton y parviendra, non sans avoir lancé quelques dizaines de "saleté de cheval !" et autant de chutes. Mais Colton est venu au monde "avec les chevaux et le pétrole dans le sang" sans compter quelques franches parties de rigolade avec ses potes Jack et Cody.

Plus tard, Colton épouse Melissa dont il aura deux fils, Nathanial et Dakota Justus. Une vie simple de gens simples avec les chansons du Nitty Gritty Dirt Band, des virées en Chevy, du bullriding et des jours à tirer le diable par la queue avec des huissiers aux fesses et un job dans les champs de la Upper Green River Valley. Pour se ressourcer ? Le Wyoming et ses vents voraces, les broncos, les fusils, le pick-up, la bière, le bourbon…

Par petites touches – la chasse à l’oie, la route, le thanksgiving, la saint-valentin –, Alexandra Fuller excelle à raconter ces vies d’hommes pour qui rien n’est gagné d’avance. Mais qui ne se plaignent jamais. Un vrai cowboy ne pleure pas (ou il se cache pour le faire). On est sur une terre rude où sont passés des hommes rudes, des pionniers, des défricheurs, des aventuriers, des Butch Cassidy (qui fut emprisonné au pénitencier de Rawlings), des Big Nose George (qui fut pendu en public pour lui apprendre à vivre). Des vies de cowboys.

Et, au bout, la mort. Le cercueil de Colton porté à dos d’hommes sur le chemin enneigé du South Stake Center des Saints de derniers jours à Evanston. Sur un morceau de la chanteuse country Sara Evans, No Place That Far. Une dernière précision : cette histoire est une histoire vraie.

Alain Sanders

* Editions des Deux Terres, 5, rue de Savoie, 75006 Paris. Les-deux-terres@wanadoo.fr

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