A la rencontre de Little Tony


Interview réalisée le 4 août 2007 aux Issambres (Var) pour le 3e festival Rockbrune Attitude de Jacky Chalard avec Robert Gordon, Crazy Cavan, Memphis Rockabilly Band, etc.

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Il nous est apparu capital de rendre hommage à ce personnage unique dans l'histoire du Rock. Alors que son compatriote Adriano Celentano, Danyel Gérard ou Claude « Danny Boy » Piron, Peter Kraus et autres Européens en étaient à leurs débuts, celui-là fut non seulement notre tout premier flash TV grâce à La piste aux étoiles de Gilles Margaritis, mais surtout montait (à 17 ans !) à l'assaut de la vieille Albion à l'image de ses lointains ancêtres Romains...

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De gauche à droite : Jean "Charles" Smaine, Jean "Edgar" Prato, Little Tony
Photo : Pierre Relano

– Buena sera, Tony ! Ce n'est pas sans émotion que nous pouvons enfin nous entretenir ce soir... D’abord, le choix de ton pseudonyme (il est né en février 1941 non loin de Rome, à Tivoli) ?

– Avec mes frères, Alberto (basse) et Enrico (guitare solo), on a découvert le Rock Around The Clock de Bill Haley au milieu des « 50's » et on est devenus dingues de rock. Pour moi, Elvis a été et restera mon « king » mais j'adorais aussi Little Richard et je me suis dit : pourquoi pas moi ? Et voilà ! Little Tony s'appelle Antonio Ciacci de son véritable patronyme...

– Dans toute l'histoire du rock européen, tu as été le seul non seulement à être vedette en GB mais, plus surprenant à y débuter avant l'Italie ?

– On venait juste de commencer chez « Durium » (Milan) où toutes les reprises américaines ont été faites en 1958 (Lucille, etc.) quand Jack Good nous a repérés dans un club de Rome et nous a signés pour ses shows TV. Une chance.

– Justement ! Tu as connu le gratin britannique et en plus Gene Vincent à son arrivée à Londres, Vince Taylor, Johnny Kidd, Terry Dene, Vince Eager, etc.

– Quand le syndicat des musiciens anglais a renvoyé mes frères en Italie, après plusieurs shows dans tout le pays, j'ai continué avec la formation Seven de John Barry [premier mari de notre bobo nationale, Jane Birkin], puis mon copain Marty Wilde m'a proposé de rejoindre son propre show, Wham ! J'étais devenu intime de Gene et nous pensions un jour faire ensemble une tournée italienne Plus tard j'ai repris comme d'autres Be Bop A Lula et le Shakin' All Over de Johnny Kidd...

 

– Parle nous des deux autres « mousquetaires » du rock italien, Adriano Celentano et Bobby Solo...

– En 1961, j'étais revenu en Italie et j'ai été n° 1 au Festival de San Remo avec ma version de son 24 mila baci (une version anglaise et des tas de reprises dont la Belge Jackie Seven, Dalida et Johnny Hallyday). Adriano refusait de prendre l'avion et donc n'a jamais rien fait aux USA ! En 1962, il a fait une version twist de mon Teddy Girl. Avec Bobby, nous sommes restés plus de 3 ans sur la 5e chaîne de TV italienne pour Casa Mia et nous avons aussi chanté ensemble plusieurs fois aux USA et Canada (la dernière en 2003). Ce sont des rivaux et des amis à la fois !

– Tu es ensuite resté en contact avec Jack Good qui a continué à t'aider (en 1967, il était... portier dans le film Clambake d'Elvis) ?

– Oui, après « Decca », je suis passé chez « Pye » en Angleterre (Lonnie Donegan, Petula Clark, Sandie Shaw, etc.), en 1966, pour Let Her Go (album et single) avec une distribution USA aussi. Il m'a engagé pour la version scène d’Othello, un musical avec la chanteuse pop noire Marsha Hunt. Par la suite, mon rôle de Cassio a été tenu par PJ Proby et J-L Lewis. C'était en 1968 et je suis resté ensuite trois mois à Broadway (New York) pour le même rôle. Mes vrais débuts aux USA...

– De cette époque, tout en multipliant les succès phonographiques en Italie (dont Non aspetto nessuno repris par Françoise Hardy, Cuore matto ou encore Ridera reprise de... Fais la rire d’Hervé Vilard), tu as entrepris la conquête des scènes planétaires...

– En Amérique du Sud, juste le Festival de la Chanson à Rio. J'étais à l'affiche avec Juliette Greco, les Udo Jurgens, Shirley Bassey, Donovan, Amalia Rodriguez, Sergio Mendes... et Gregory Peck ! Il y a eu la parenthèse du Festival de Palerme (1970) avec des jazzmen, mes copains Georgie Fame (ancien de Billy Fury), Nino Ferrer ou encore les Wild Angels. Puis j'ai fait sept tournées australiennes dans les plus grandes villes (avec trois millions d'individus d'origine italienne) et un album L.T. On Tour et aux USA, avec ses 25 millions d'habitants issus de l'immigration de mon pays, de nombreux passages dans des casinos avec point d'orgue un clip réalisé à Atlantic City, New Jersey. Enfin, le Canada, d'ouest en est, avec notamment Vancouver et Montréal !

 


"Olympia 59", archives Jean-Louis Rancurel

– Par contre, tu n'as pas chanté à Las Vegas comme Johnny (Hallyday) ni même rencontré Elvis comme Dick Rivers ou ton compatriote Livio Monari, voire Louis Prima ?

– Non ! Juste du shopping [il adore collectionner les chemises à l'effigie du « King »].Par contre, c'est grâce à Tom Parker que « RCA » Italie m'a ensuite permis la gravure de l'album Tony Canta Elvis (1975 ; hommage réitéré en 1978 avec Tribute To Elvis, le second a été enfin réédité en 2000 en CD...). Je tiens d'ailleurs à rappeler tous les autres artistes d'origine italienne qui ont marqué la musique populaire US : Fabian, Frankie Avalon, Bobby Darin, Al Martino, Perry Como, Dean Martin, Frankie Laine, etc. Sono tanti !

– Tu as eu aussi beaucoup d'opportunités au cinéma (avec quelques sorties françaises hélas indisponibles en DVD) ?

– Oui, j'ai fait quelques 25 films, notamment avec Adriano Celentano et même Ugo Tognazzi, surtout comme interprète de mes succès. Le dernier en 2000, une parodie de West Side Story et j'ai connu plusieurs vedettes féminines comme Claudia Cardinale, Raffaela Carra ou Claudia Mori, (l'épouse d'Adriano).

– Ta passion, c'est les voitures ?

– Oui, pendant des années, j'ai collectionné des modèles de grande marques comme Ferrari pour finir par organiser des rallyes moi-même...

– Ton frère et directeur de label, Enrico, a été soliste sur plusieurs musiques de films d'Ennio Morricone dont des westerns ? Pourquoi ne pas avoir consacré plus de temps à la country music ?

 

– Comme Bobby et Adriano, j'aime aussi beaucoup cette musique qui n'a pas un succès énorme en Italie. J'ai pourtant enregistré des titres comme Gentle On My Mind, Hello Mary Lou, That's How I Got To Memphis, etc. J'en profite pour signaler que j'ai un nouveau disque, un clip, un livre (Non finisce qui) et une grande tournée...

Jean « Charles » Smaine

Merci à Jean « Edgar » Prato, Jacques Perret (Radio Swing - 71) qui envisage de reprogrammer Tony en France en 2008 ; Vince Cassela pour son aide précieuse en italien et bien davantage... Et à l'hôtel La Caravelle, authentique havre de paix :
www.hotel-lacaravelle.com
(33)(0)4 94 81 24 03.

Ce reportage est dédié à tous les fans planétaires et proches de Little Tony : tout particulièrement en hommage aux disparus Alberto Ciacci et Giuliana Brognoli.


Disques conseillés :

- Little Tony And His Borthers vol.1/2
- Rock’n’Roll E Capuccino live London/Paris
- Tribute To Elvis
- Se Io Fossi Nato In Texas
- Rock And Roll – I Giorno Del Rock
- The Pomus And Shuman Story


En France, outre deux passages TV en 1959, dont un avec Charles Aznavour au profit des sinistrés du barrage de Malpasset, près Fréjus, Tony a chanté à l'Olympia (26/02/59 avec Brenda Lee) ; 11/12/61 avec Vince Taylor, Danyel Gérard, Dick Rivers, etc.) au Palais des Sports, Paris (24/02/61 avec Eddy Mitchell, Johnny Hallyday, etc.) ; à St-Parres-aux-Tertres près de Troyes (09/10/94).

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