Peter Guralnick : Lost Highway
Sur les routes du rockabilly, du blues et de la country music

 

Lost Highway, publié chez Payot (106, Bd Saint-Germain, 75006 Paris), est le second volet d’un dyptique entamé en 1971 avec Feel Going Home (1). Un second volet qui nous touche plus directement que le premier car Guralnick y part à la rencontre du rockabilly et du blues, certes, mais aussi de la cousine du blues, la country sans qui, par ailleurs, le rockabilly n’aurait sans doute jamais existé.

La première qualité de ce livre ? L’empathie dont Guralnick fait preuve à l’égard des artistes dont il fait les portraits (toujours émaillés de cent anecdotes significatives). Il explique : « J’ai commencé à m’identifier aux artistes que j’évoque, à me voir comme eux, un rade sur le bord d’un chemin, à vivre, pour de courts instants, la vie étrangement intemporelle de la route. »

La route. On the road again…Elle est là pour Ernest Tubb et son bus très confortable. Elle est là pour Bobby Bland, comme une sorte d’échappatoire. Pour Charlie Rich, pour DeFord Bailey, pour Charlie Feathers, pour le bluesman Howlin’Wolf. Une exception ? Oui. Elvis Presley (très présent dans le livre de Peter Guralnick qui, à la différence de « spécialistes » supposés du King, ne dit à son sujet que des choses intelligentes). Elvis, c’est plutôt la réclusion qu’il a recherchée. Et peut-être en est-il mort…

Dans la série de portraits rassemblés là, certains nous touchent plus que d’autres Ceux de Hank Snow, DeFord Bailey, Sleepy LaBeef, Waylon Jennings, Merle Haggard, Hank Williams Jr. On est passionné aussi par le chapitre intitulé « Sam Phillips parle ». Guralnick y déshabille le patron de Sun (le « Roi Soleil » en quelque sorte), avec une diabolique dextérité. On retiendra ce beau credo de l’homme qui « inventa » Elvis : « Je ne suis pas en train de dire qu’il faut revenir aux années 1950. Mais si quelques-uns comme Elvis arrivaient (et ils arriveront) à se libérer, alors je prêcherais. Je deviendrais un évangéliste, si j’étais encore vivant, et je dirais : pour l’amour de Dieu, ne devenez pas conformistes, s’il vous plaît. Faites ce que vous voulez. Ne laissez jamais rien, la célébrité, la fortune ou la reconnaissance interférer avec ce que vous ressentez…si vous pensez que vous êtes un créateur. »

J’aime bien, aussi, cette définition des honky tonks de Michael Bane et que Guralnick fait sienne : « Le honky tonk est aussi américain que l’apple pie, aussi enraciné dans notre inconscient collectif que la prostituée au grand cœur. Une pause pour la classe ouvrière, entre aujourd’hui et demain, une zone tampon entre l’épuisement et le désespoir, les lumières tamisées et la country pure et dure. Un bon honky tonk, c’est tout cela et bien plus encore. »

Rien n’est plus juste. Et, tant qu’il y aura des honky tonks, comme le chante Pauline Reese, la country ne pourra que croître et embellir.

Alain Sanders

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(1). Essentiellement des portraits de bluesmen.

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