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La mythologie nord-américaine |
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À tout seigneur tout honneur, on commencera par les Contes et légendes du Far-West (Nathan) de Ch. Quinel et A. de Montgon, publié en 1955. On y découvrit « Trois Sioux parmi les Sioux », un récit de la bataille de Little Big Horn, « L’Hallali des indiens Cheyennes », le duel de Buffalo Bill contre Yellow Hand, etc. Et il y a encore du rêve qui chevauche dans nos cœurs : « De toutes les tribus qui vivaient dans les grands bois, les Delawares et les Osages étaient les plus prospères » ; « Le peau-rouge poussa le cri de guerre des Cheyennes » ; « Johnny Piper s’embarqua sur le Mississippi » ; « Dans ma jeunesse, j’ai vu perdre un train : il fut enlevé au-dessus des prairies, des forêts, des rivières et il alla tomber en plein dans les montagnes Rocheuses »... Et on aurait voulu que l’on se contente d’une vie de « foie jaune » après ça ? Si
vos aïeux avaient une bibliothèque bien composée,
vous avez pu y découvrir un petit chef d’œuvre : Mon
oncle de San Francisco (Ozanne et Cie, 1946) de Louis-Charles Bouts.
On nous y racontait les aventures d’un jeune garçon de
Saint-Malo invité par son oncle (parti en Amérique) à
venir faire un séjour à San Francisco. Embarqué
sur un voilier, le Saint-Pierre, notre héros allait
– après de terribles aventures – finir par retrouver
son oncle et mener une vie de bûcheron, de trappeur, de coureur
de prairies, de chasseur d’ours, de cowboy. Je ne rouvre jamais
ce livre sans émotion : |
« À peine les huit chevaux qui me précédaient avaient-ils pris le galop que mes quatre pur-sang se mirent à hennir tous à la fois en faisant des bonds désordonnés ; ceux qui étaient en arrière passèrent brusquement devant, manquant d’arracher la queue de ma monture, à laquelle l’un d’eux était attaché. » Et encore : « Le bison fut dépouillé selon toutes les règles. La peau enroulée dans du sel, attendit que l’on soit arrivé pour être tannée. Dans la viande, on préleva quelques morceaux pour les prochains repas, et le reste fut mis en conserve dans les tonneaux. » Et on aurait voulu qu’on mange du vermicelle après ça ? Il faut dire que, tout petit nous avions déjà eu un album de la collection « Un petit livre d’or » : Henry et son cheval de G. M. Horn. Henry est un petit garçon qui vit dans un ranch et qui, un jour, se voit offrir – les larmes aux yeux – une mule. Une mule quand il rêve de Brillant, le poulain noir dressé par les cowboys ! Un jour, pourtant, ayant fait preuve d’un grand courage face à un méchant couguar, Henry entendra son père lui dire : « Je suis fier de toi, mon fils. » Le lendemain, Henry sera réveillé par le bruit d’un cheval près de sa fenêtre. Il regarde : c’est Brillant, le poulain noir de jadis devenu aujourd’hui une superbe monture. — Papa ! Brillant est attaché à ma fenêtre. — Oui, c’est vrai, dit son père. Et il ajouta après avoir bu une gorgée de café : « Tu es un homme, Henry, et tu auras besoin d’un cheval. Il nous faut une personne de plus pour notre tournée d’automne. Cela te plaît-il de venir ? » Et on aurait voulu qu’on se contente d’une mobylette après ça ? Autre récit qui a contribué à nous donner – à jamais – le « virus » cowboy, L’Histoire de Buffalo Bill (Hachette, 1958) d’Edmund Collier. Buffalo Bill, héros légendaire du Far-West ! À l’âge de sept ans, il tue son premier puma et sauve ses petites sœurs. À onze ans, il part vers l’Ouest pour la grande aventure, se bat contre les Indiens, chasse le bison. À quatorze ans, il couvre au galop cinq cents kilomètres, épuisant vingt et une montures pour transmettre en temps et en heure le courrier précieux qui lui a été confié. Après la guerre de Sécession – qu’il fait hélas du côté yankee, nobody is perfect – il est promu chef de la 5e Division de Cavalerie Scoute (les éclaireurs de l’armée). Et puis, le Wild West Show et des tournées triomphales à travers toute l’Europe. Et puis... Et on aurait voulu qu’on devienne employé de bureau après ça ? La mythologie nord-américaine dans l’imaginaire européen ? C’est une évidence. Dans un essai passionnant, Paul Bleton, naguère à la Téléuniversité de Montréal et spécialiste des littératures dites populaires, écrivait : « Ce sont les destins européens du western qui nous intéressent. Non seulement l’Europe a consommé ce genre américain par excellence, mais encore en a-t-elle produit, y voyant un marché, certes, mais repérant parfois dans les conventions du genre un code adéquat, pertinent à l’intérieur de ses propres allures nationales : romans allemands, films italiens, BD franco-belges ». On sait, en France, la place que tint longtemps – et depuis longtemps – la mythologie nord-américaine dans notre imaginaire national. De Chateaubriand, embarqué chez les Natchez, à Louis Pelot (auteur de la série « Dylan Stark »), en passant par George Sand, grande lectrice de Fenimore Cooper (1), Eugène Sue, Alexandre Dumas, Gabriel Ferry, Gustave Aimard (ou Aymard), Louis Boussenard, Albert Bonneau, Blanc-Dumont, les westerns de la Série Noire, la collection « Le Masque Western », la collection « Western’ du Fleuve Noir », Lucky Luke, Blueberry, Jerry Spring, Alexis Mac Coy, etc. Les tournées du Wild West Show de Buffalo Bill en Europe, et singulièrement à Paris, rassemblèrent des centaines de milliers de spectateurs. Et l’on se souvient que le même Buffalo Bill copina avec l’un des plus grands peintres animaliers de tous les temps, l’étonnante Rosa Bonheur (qui fit son portrait à cheval) et qu’il s’entretint longuement avec Frédéric Mistral (les deux hommes partageaient une étonnante ressemblance physique). Et puis, madeleines de notre enfance, les illustrés dits « à l’italienne », Jim Canada, Buck John, Kit Carson, Tex Willer, Hopalong Cassidy, et d’autres encore dus au très royaliste Le Rallic (Poncho Libertas), Marijac (Jim Boum),Pierre Duteurtre, alias Dut (Sitting Bull, La fille de Buffalo Bill), et Pecos Bill, Miki le Ranger, Bill Tornade, Oregon Jim, Big Horn, Red Ryder, Kid Colorado, Le Petit Shérif, Alaska Jim, Kid Rivers, Texas Bill, … Il n’est pas, en Europe, un secteur de l’art et même des arts – littérature, peinture, sculpture, cinéma, musique, chanson, danse, bandes dessinées, pub, séries télévisées, etc. – qui n’a pas été imprégné de cet imaginaire venu d’outre-Atlantique, qui n’en a pas été inspiré et nourri. Souvent, l’universitaire intelligent Paul Bleton, interpellé par des universitaires (qui l’étaient moins… intelligents) sur le fait de savoir s’il était bien sérieux de réfléchir et d’écrire sur « un sujet sans distinction, simplet, négligeable » comme la geste westernienne, répondait : « D’accord… Mais comment peut-il y avoir eu tant de westerns ? Sous de si diverses formes ? Et cela ne compterait pas, cela n’aurait pas d’importance, voire de sens culturellement ? » C’est la question que posait aussi l’un des derniers grands westerners français, l’écrivain et journaliste Éric Leguèbe (1935-2002), le dernier des géants, parti rejoindre il y a quelques années déjà, le big sky et les prairies éternelles. C’est à lui que nous dédions ce livre, à lui à qui l’immense John Ford avait un jour confié : « A partir du moment où l’on est épique, on ne peut pas se tromper ». Et quoi de plus épique que la conquête de l’Ouest ? Alors come along boys and listen to my tales ! ____________________________________ (1) On lui doit notamment un article sur des Amérindiens de l’Iowa en visite à Paris en 1846 : « Relation d’un voyage chez les sauvages de Paris » (deux textes illustrés de dessins de son fils, Maurice Sand).
Editions Dualpha,Francephi Diffusion, BP 20045, 53120 Gorron Alain Sanders |
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