Indestructible Walt Longmire !

Craig Johnson : Le Pays des loups

 

Walter Longmire, le shérif du comté d'Absaroka, Wyoming, est littéralement revenu en miettes – physiquement et moralement – de sa dernière aventure (Le Cœur de l'hiver). Ce qui aurait dû l'inciter, sous la protection amoureuse de son adjointe, Vic (Victoria Moretti), à lever un peu le pied. Mais ce serait le mal connaître.

On le retrouve donc tel qu'en lui-même (ou presque) dans Le Pays des loups (Gallmeister) où, même si la violence est toujours présente (ces gens-là et ces paysages sont rudes), on est loin des déchaînements habituels à quoi nous avons été habitués. Et loin de ce Mexique de dingos où Walt est allé arracher sa fille aux griffes de salopards sans limites.

Dans les Big Horns, où le vent hurle sans cesse avec des grognements rauques, on découvre le cadavre d'un berger chilien, Miguel Hernadez. Suicide comme on peut le supposer de prime abord ou crime comme Walt le subodore vite ? Les choses se compliquent avec les Game Rangers du coin : une partie du corps de défunt semble avoir été dévoré par une bête sauvage. Et pourquoi pas un loup, phobie récurrente des éleveurs d'ovins... Sauf que personne n'a pas vu la queue d'un loup dans le Wyoming depuis longtemps. Personne sinon Walt qui en a croisé un en maraude, solitaire et peu menaçant.

La victime, le berger Miguel, était au service d'une puissant famille basque de la région, les Extepare. Belle occasion de rappeler le rôle éminent joué par les Basques dans l'élevage des moutons dans ces États de l'Ouest où leur héritage reste prégnant. Leur émigration a commencé vers 1800 et s'est poursuivie jusqu'à la fin du XIXe siècle.

Au Chili et en Argentine d'abord à cause de la communauté de langue, puis bientôt en Californie (la ruée vers l'or aidant), au Nevada, en Arizona, dans l'Utah, au Montana, au Wyoming. La cohabitation entre les bergers basques et les éleveurs anglo-saxons de bovins ne fut pas un long fleuve tranquille. Longmire évoque cette rivalité passée et dépassée, mais qui reste toujours inscrite dans la mémoire des lieux et des hommes.

Parmi les – rares – relations de Miguel (à la personnalité beaucoup moins lisse qu'il n'y paraît d'abord), Keasik Chechoo, une Cree-Assiboine amie des loups et opposée à ceux qui sont leurs ennemis. Entre elle et Walt, le courant va bien passer, au point de rendre jalouse Vic qui veille sur son shérif « comme sur un œuf de Fabergé »...

Pour traiter avec les rugueux Extepare et le chef de la tribu, l'acariâtre Abarrane, Walt peut compter sur son adjoint d'origine basque, Santiago Saizarbitoria (Sancho pour les intimes). Ce qui nous vaut quelques échanges en basque, sous le regard vite exaspéré de Walt qui met vite un terme à ces « amabilités basques » qui sont pour lui de l’hébreu.

Nous l'avons dit, Le Pays des loups, où l'on voit Walt s'initier à l'informatique (peut-être aura-t-il un jour un I-Phone...), ce qui n'est pas triste, est un ouvrage apaisé. Graig Johnson a toujours mis de lui dans les évocations intimistes de son personnage. Mais là, peut-être plus que d'habitude, à commencer par cette amitié et cette admiration – comme tous les hommes bien-nés – qu'il affiche pour les loups. On ne lui reprochera qu'une chose : tenir Caravane vers le soleil (titre original : Thunder on the Sun de Russel Rouse, 1959) pour « le pire western jamais tourné ». C'est, tout au contraire, un bel hommage aux Basques dans leur courageux « Go West », avec une scène d'anthologie où l'on voit les Basques prendre les Indiens à revers en bondissant de roches en roches et en poussant de réjouissants cris de guerre propres à effrayer les Natives...

Alain Sanders

 

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