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Un meurtre à Bandera II. Lone for the money, two for the show… |
Elle était devant le Cowboy Bar. Une apparition. A éclipser les jolies Texanes dont mes yeux s’étaient régalés toute la soirée. Une fille de rêve. Comme on n’ose en rêver dans nos rêves les plus fous.
Son pick-up garé sur le petit parking situé à droite
du Cowboy Bar, elle se dirige – elle ne marche pas, elle
flotte – vers l’entrée du saloon. Deux hommes, dans
un état largement à l’ouest du Mississippi et donc
peu conscients – leurs dégaines peu avenantes et l’aura
de la fille – des réalités, l’interpellent,
pas méchamment, mais bon… |
- Tu sais quoi, Baby ? C’est ton jour de chance, on est deux braves types et on te paierait volontiers un verre. Elle
pose sur eux le regard de quelqu’un qui a déjà eu
cent fois à gérer ce genre de propositions. Ils
font mine de la chahuter un peu. Histoire de ne pas perdre la face.
Je fais un pas dans sa direction. Une sorte de bouée de sauvetage
bien qu’elle soit manifestement de taille à se défendre
sans moi. J’écarte
les deux soiffards, dans une état finalement plus proche du Massachusetts,
c’est-à- dire loin, très loin du Texas, et je propose
mon bras à l’apparition. Elle le prend et me dit : Je me dirige vers son SUV sans lui en demander les clefs. Chez nous, à Bandera, on ne ferme ni les portes de nos voitures, ni celles de nos maisons. Et, quand on a un problème, c’est rare qu’on fasse le 911… Son sac est sur le siège passager. Une sorte de fourre-tout que les gentlemen appellent un vanity case et les loustics des « baise en ville ». Et je reviens vers le Cowboy Bar. Au même moment, je croise la belle danseuse qui a occupé mes pensées (je suis un gentleman) toute une partie de la soirée. Quelques minutes plus tôt, je me serais félicité de cette opportunité, mais là j’avais rendez-vous avec Miss Monde… Un
coup d’index sur mon Stetson pour saluer la belle, signifiant
par là que je n’ai pas le temps de lui faire la causette
et je taille la route. Elle n’insiste pas. Comme j’arrive
devant le saloon, un rombier m’interpelle. Je
ne connais pas ce type qui connaît, lui, mon prénom. Habillé
façon rupin, il n’a pas la tenue habituelle de nos soirées
au Cowboy Bar, à savoir un Stetson, une chemise blanche
immaculée fermée au cou, un Wrangler qui casse sur les
bottes. Il porte un costard comme on en porte en ville. Un truc lugubre,
mais classieux genre jeune cadre qui se la pète. Ou truand nouvelle
manière, gandin un peu m’as-tu vu. Il avance vers moi,
me détaille de haut en bas comme pour m’évaluer.
Ce qui a le don de m’indisposer. Je
le regarde calmement. Et je sais tout de suite que ce n’est pas
un cadre de San Antonio en goguette à Bandera, mais un truand
venu de Dallas ou de Houston. Grand. Bien charpenté. Sûr
de lui. Méchant. Et un brin vicelard. Une
réflexion qui me donne à penser que ce type vient d’ailleurs.
Je veux dire ni de Dallas ni de Houston. Jamais un Texan n’aurait
eu l’audace de traiter de « bouseux » les gens de
Bandera. Il
y avait bien un mois que ma fréquentation du Cowboy Bar
ne m’avait pas valu une bonne bagarre. La plupart du temps, des
bagarres pour le fun, histoire de garder la forme. Je
n’ai pas le temps de finir ma phrase. Sans prévenir, il
m’assène un coup façon cowpuncher. Des années
de pratique me permettent d’amortir l’impact. Et de contre-attaquer.
Un crochet du droit pour commencer. Un uppercut pour continuer. Un direct
pour finir. Il s’écroule. Sonné pour le compte.
La bagarre a attiré un public. On s’est passé le
mot dans le saloon : « Ray se castagne ». Inutile de
dire que tous les curieux sont de mon côté. Et les encouragements
fusent. Je
ne lui ai pas laissé une chance. Il tente de se relever, se tenant
le menton, les yeux dans le vague. Il a encore besoin d’explications, en effet. Aussi, sous les vivats des spectateurs, j’entreprends de conclure la leçon. Méthodiquement. Dans le Cowboy Bar, le groupe Almost Patsy Cline est remonté sur scène et je m’applique, en mesure, à accompagner Okie From Muskogee. S’il y en a qui sont fiers d’être de Muskogee, Oklahoma, nous sommes encore plus fiers d’être de Bandera, Texas… Il
finit par crier grâce. Epoussetant son costard qui ne ressemble
plus à grand chose, il repart en titubant vers le parking. Il
croit utile de me lancer au passage : Alain
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