Un meurtre à Bandera

V. Play it again

 

I- Vous avez vu ?

- Non… Qu’est-ce que je dois voir ?

- Il y a de la lumière chez moi.

- C’est peut-être votre Mrs. Prather qui a oublié d’éteindre en partant…

- On est parti après elle. Restez là.

Je gare la voiture. Je traverse la rue et frappe chez mon pote Pete Holly. Un Viet Vet, un vétéran du Vietnam, avec qui je partage de nombreuses valeurs et, à l’occasion, quelques sévères mufflées. Il m’ouvre.

- Hey, Ray, tu viens boire un coup ?

- Tu n’as vu personne entrer chez moi ?

- Je n’ai pas bougé du rocking-chair de tout l’après-midi. Si quelqu’un est venu dans le coin à pied, à cheval ou en voiture, je l’aurais ciblé. Et si ce quelqu’un avait essayé de pénétrer chez toi, je l’aurais flingué d’une rafale de M-16. Qu’est-ce qui se passe ?

- J’sais pas trop. Regarde, c’est allumé…

- J’ai vu. Mais j’ai pensé que tu avais laissé ta loupiotte pour que ce soit plus cosy quand tu reviendrais avec ta poulette. Un joli p’tit lot soit dit en passant…

- J’vais voir.

- Je t’accompagne, bien sûr.

Le temps d’empoigner son M-16, toujours à portée de main et il m’emboîte le pas. Je fais signe à Lynn de ne pas bouger.

Je pousse la porte. Elle n’est pas fermée. Je fais quelques pas à l’intérieur. La lumière s’éteint.

- Pas de doute, y a quelqu’un, dit Pete.

- Chut…

Des mouvements sont perceptibles du côté de la cuisine. Nous avançons de quelques mètres. Une voix d’homme. Et celle d’une autre personne qui lui répond

- Tu as entendu ?

- Ouais, y a des inconnus dans la maison…

A tâtons, je vais jusqu’à mon bureau pour récupérer le Smith & Wesson. Pete est sur mes talons, prêt à réagir au quart de tour. Je lui dis :

- Ne bouge plus.

Nous nous fixons. Les intrus continuent de parler. Je les entends s’interroger.

- Je peux rallumer ?

- Pas tout de suite.

- Il va bientôt revenir notre gus…

- Pas tout de suite. Il est à Fredericksburg. Et en bonne compagnie. On a le temps.

Nous avançons encore. Nous aurions pu foncer, façon Hué 1968 comme dirait Pete, mais je n’ai pas envie que lui ou moi bloquions une balle. Nous sommes armés. Peu de chance que nos « visiteurs » ne le soient pas…
Je ne sais pas ce que ces deux zigottos cherchent dans ma cuisine. Mais, à les entendre fourgonner, j’ai presque envie d’aller chercher Mrs. Prather. En deux temps trois mouvements, elle leur apprendrait à ne pas empiéter sur son territoire… Derrière moi, Pete s’impatiente.

- On y va ?

- Let’s roll, man !

Je fonce dans la cuisine et tombe sur un des fouineurs que j’envoie valdinguer dans les placards. Pete vient d’allumer. Ce qui me permet d’éviter le second voyou qui s’apprête à m’assommer avec une batte de base ball. Connaissant mon Pete sur le bout des doigts, je lui crie :

- Ne tire pas ! Occupe-toi de l’autre !

Il ne lui faut pas cinq secondes. En deux coups de rangers, il sèche le premier margoulin qui essaie de se relever. J’ai plus de mal avec le mien. Il s’en est fallu de peu que je prenne un coup de batte, mais je ne peux éviter un coup violent sur le bras. Surmontant la douleur, je réussis à le coincer contre la table, à lui arracher son gourdin et à lui filer un uppercut d’anthologie. Nous nous empoignons genre pancrace plutôt que noble art… Je lui met un coup au plexus. Il baisse la garde. Je le cueille en beauté.

- Bravo ! me crie Pete.

Il aurait mieux fait de rester vigilant. L’homme qu’il pensait avoir éliminé se relève et, avant que je puisse le prévenir, lui assène un coup de matraque télescopique. Pete s’effondre. Me voilà seul face à ce dangereux acrobate.
Il fonce sur moi, matraque levée. Un assaut tellement téléphoné que je n’ai aucun mal à parer. Ce cinéma n’a que trop duré. Récupérant la batte au sol, je lui en refile un coup magistral. J’entends quelques craquements. Il reste au sol. Et je vais prendre des nouvelles de Pete qui sort du cirage.

- Tu vas bien ?

- Putain… J’ai l’impression d’avoir été piétiné par un troupeau de bisons. Qui c’est ces types ? Des braqueurs ?

- Tu rigoles ? Y a rien à gratter chez moi…

- Et tes photos dédicacées de chanteurs country ? Et tes 78 T, et tes 33 T collectors ?

- On aurait affaire à des fans, tu crois ? On va les fouiller.

Ils n’ont aucun papier. On récupère leurs armes. Des colts US 45. Du matos un peu ancien, même pour des amateurs de country…

- Ils ont du fric ?

- Quelques centaines de dollars…

- Eh bien, ça nous servira de dédommagement…

- Tu ne perds pas le nord…

- Mmouais, ça va mieux. Tu pais ton coup ?

- J’attache d’abord nos visiteurs…

Pendant que je leur passe les menottes, Alamo pointe son museau. Pendant toute la bagarre, il est resté planqué sous un placard.

Je sers un verre de Jim Beam à Pete (oui, je suis Jack Daniel’s, il est Jim Beam, chacun ses potes…) et m’apprête à m’en servir un quand je me rappelle que Lynn est toujours à m’attendre dans la voiture. Bizarre, d’ailleurs, qu’elle ne soit pas venue aux nouvelles…

On frappe à la porte. Pete me dit :

- Ce doit être ta copine…

Alamo collé à mes jambes, je vais ouvrir. Ce n’est pas Lynn mais, toujours jolie comme un premier matin du monde, Caroline Lawson.

Alain Sanders
(à suivre)

 

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