David Azoulay :

Hollywood, le prêtre, le nabab

Une Bible !

 

Un mot d’abord de David Azoulay. Il est natif de Port Lyautey (aujourd’hui Kénitra) au Maroc. Je suis natif de Salé (en face de Rabat) à quelques kilomètres de là. Quelques kilomètres que nous faisions le jeudi à bicyclette. Pour rallier la base navale américaine de Port Lyautey. Notre caserne d’Ali Baba ! David Azoulay indique, dans les premières pages de son livre (plus que ça : un monument) combien nous, gamins, fûmes marqués à jamais par la culture américaine que nous découvrions (pour ne plus jamais nous en déprendre) : la musique (country, rockabilly, rock balbutiant), le Coca et le Pepsi, les T-Shirts Fruit of the Loom, les blousons d’aviateurs, les jeans, les hamburgers, les pancakes, les Chicklets les Lucky Strike et les Camel, les Jeeps, les belles américaines et, bien sûr, le cinéma.

Nous ne savions pas, à l’époque, ni moi, ni mes copains, ni même David Azoulay qui est un peu plus âgé que nous, que le cinéma était “une vision de l’Amérique située dans l’Histoire”. L’auteur de cet essai, qui a fait un travail de bénédictin, référence qui s’impose en l’occurrence), passe – avec une érudition qui ne pèse jamais tant elle est portée par la passion – derrière l’écran.

L’éditeur nous dit en quatre de couverture : “Avec plus de 500 films (…), vous découvrirez les arcanes des négociations et des compromis insoupçonnés entre les patrons des studios et les religieux de toutes obédiences qu’ils soient professionnels du cinéma religieux ou ecclésiastiques”.

A part quelques rares articles écrits ici ou là sur le sujet (et lus que par une poignée de fondus), cet ouvrage est le premier à étudier – aussi complètement – le poids de la religion dans le cinéma américain. La grosse majorité des films américains font référence (directement ou implicitement) à Dieu et à la foi. Pour les exalter, le plus souvent, mais aussi (et cette tendance est plus récente) pour les dénigrer.

Avec la couverture du livre, qui représente Robert Mitchum dans La Nuit du chasseur (1955) de Charles Laughton, on est dans cette ambivalence : L.O.V.E tatoué sur les doigts de la main droite de Mitchum, H.A.T.E tatoué sur les doigts de sa main gauche.

Peut-on pour autant, même pour les films les plus explicitement marqués par des références religieuses, parler de “ films religieux ” ? David Azoulay pense qu’il s’agit plutôt d ”une reconstruction technique et esthétique de la réalité religieuse ”. Il précise : “ Le religieux est présent partout, dans tous les films (…). Il s’y glisse qu’on le veuille ou non ”. Les références sont essentiellement chrétiennes, à savoir catholiques et protestantes, mais aussi israélites à l’occasion : L’Elu (titre original : The Chosen, 1981), Yentl (1983), Un rabbin au Far-West (titre original : The Frisco Kid, 1979), Zelig (1983), The Big Lebowski (1998), etc.

Alors Hollywood sous influence catholique, protestante et israélite ? Tout ça à la fois. Avec, à l’occasion, des charges explicites contre la religion (ce qui est encore rester dans le champ religieux) : The Penitent (1988), La Bible ne fait pas le moine (titre original : In God We Trust, 1980), Sacré Moïse (titre original : Wholly Moses, 1980), Dogma (1999), Da Vinci Code (2008), etc.

Love and Hate. L’amour et la haine. Avec d’abord, par-delà de légitimes spéculations philosophiques, une affaire d’intérêts et d’opportunités révisés par les réalités du moment. Ce n’est pas un hasard si la devise américaine, In God We Trust, est inscrite de manière aussi visible sur les dollars…

Alain Sanders

– Editions Bréal

 

 

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