John Jeremiah Sullivan : Pulphead

On the road always...

 

John Jeremiah Sullivan vit en Californie du Nord. Ce qui fait de lui un écrivain du Sud. Même quand ses activités journalistiques l’entraînent au nord puisqu’il écrit pour des médias yankees comme le New York Times, Gentlemen’s Quaterly, Harper’s Magazine, Oxford American, etc. Mais s’il écrit aussi dans la revue littéraire The Paris Review, c’est pour en assurer la rédaction en chef de la « section littéraire du Sud ».

Pulphead, c’est un recueil de quatorze chroniques détonantes qui sont non seulement de grandes leçons d’écriture, mais aussi de formidables leçons de journalisme. Impensable chez nous où les journalistes donnent leur avis sur tout et n’importe quoi, décident du bien et du mal, distribuent des bons points à qui leur plaît et ostracisent ceux qui sortent du cadre « politiquement correct ». Sullivan ne juge pas. Il ne blâme ni ne loue. Il raconte.

La première chronique, « Sur cette pierre », nous entraîne dans un festival de rock chrétien sur le bord du lac des Ozarks dans le Missouri. On imagine bien à quels ricanements condescendants donnerait lieu en France un tel Woodstock religieux…

En conclusion de son reportage (destiné pourtant à un mag aussi branché que Gentlemen’s Quaterly, avec des rédacteurs et des lecteurs qui rigolent quand ils se brûlent…) : .

« Il me fut donné de voir, l’espace d’un instant, leurs visages rassemblés autour du feu de camp, chaque face singulière, chacune rayonnant de ce que saint Paul nomme, étrangement, la promesse de l’espérance. Comme il était injuste que le monde ne récompense pas de telles âmes ».

On suivra ensuite Sullivan dans la maison du dernier des Agrariens, chef de file des écrivains du sud des Etats-Unis. Et puis dans un refuge du Mississippi après Katrina. Et quand il a un moment, il se demande par quel miracle Axel Rose, sur qui personne n’aurait vraiment parié, est devenu le chanteur de Gun’s and Roses.

Tout intéresse Sullivan. Et d’abord l’insolite. Comme les dreadlocks de Bunny Walter, l’unique survivant des Wailers, le groupe de Bob Marley, dans la fumée jamaïcaine (il y a de la fumée, mais il n’y a pas que de la fumée…) de Kingston. Et encore une descente dans les entrailles de grottes du Tennessee pour aller – tout simplement – à la recherche des origines de l’homme…

Ma chronique préférée dans ce recueil, parce qu’elle court sur les chemins du country blues, s’appelle : « Des bardes inconnus ». On y croise le blues des années trente, les minstrels, les medecine shows, un certain John Fahey (auteur d’un recueil de nouvelles intitulé : How Bluegrass Music Destroyed My Life), un 78 tours des Two Poor Boys (que tout le monde a oublié aujourd’hui malgré un titre qui cartonna : Old Hen Cackle, à savoir « Le caquetage de la vieille poule »), etc.

Un homme qui, comme Sullivan, est capable d’aller voir les choses derrière les choses et les êtres au-delà du paraître, est fatalement my kind of people, des gens comme je les aime.

De la verve, une insatiable curiosité, de la truculence et, par-dessus tout ça, une intelligence aiguë : hautement fréquentable !

Alain Sanders

- Calmann-Lévy.

 

 

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