Augustin Vérot :

Rebel Bishop

 

Natif du Puy-en-Velay, le 23 mai 1805, Jean Marcel Pierre Auguste Vérot, passé à la postérité sous le nom d'Augustin Vérot, est inconnu en France. Il est en revanche très connu aux États-Unis en général, dans les États sudistes en particulier, et encore plus en Floride où il gagna son surnom de Rebel Bishop (« L'évêque rebelle »).

Ordonné prêtre en 1828, Augustin Vérot est envoyé aux États-Unis, à Baltimore, Maryland, en 1830. En plus de son sacerdoce, il va y exercer les fonctions de professeur (sciences, théologie, philosophie) au St. Mary's College jusqu'en 1853. De 1853 à 1858, il sera le curé très actif de la paroisse Saint-Paul à Elliscott's Mill, Maryland.

En décembre 1858, le pape Pie IX le nomme vicaire apostolique de Floride. La rencontre entre ce prêtre et cet État (que les ignorants réduisent à Miami quand le nord de l’État et ses solides crackers – les rednecks de Floride – méritent d'être découverts) ressemble à un coup de foudre. Au point que Vérot se donnera tout entier à la protection de ses habitants quand la sauvagerie yankee s'abattra sur l’État.

Pour l’aider dans sa tâche, Vérot fait venir sept prêtres de France. Avec eux, il restaure les églises de San Augustine (la plus belle ville de Floride), de Jacksonville, de Key West. Et il en bâtit de nouvelles à Tampa, Fernandina Beach, Palatka, Tallahassee, etc.. En 1861, année charnière, Pie IX le nomme, tout en le maintenant dans son vicariat apostolique en Floride, évêque du diocèse de Savannah, Géorgie. C'est là qu'il est rattrapé par la guerre dite de sécession.

Mge Vérot sera un évêque sudiste, un évêque de choc, un « évêque rebelle » comme diront les Confédérés. En chariot, à cheval, à pied, on le verra sur tous les fronts pour apporter aide et réconfort aux combattants, pour administrer les sacrements aux soldats catholiques sudistes (et à l'occasion aux Nordistes catholiques capturés). Dans son Journal, qui raconte ces années terrifiantes, Vérot note à la date du 25 janvier 1864 que le général Sherman, bourreau du Sud, a pris Vicksburg et Jackson et marche – massacrant et détruisant tout sur son passage – vers le cœur du Dixieland.

L'évêque rebelle est infatigable. Le 1er février, il est sur le bateau confédéré Georgia où il confirme dix marins. La semaine suivante, il est sur un autre navire de guerre, le Savannah. En mars, il est avec l'Armée du Tennessee sur le front de Dalton, Géorgie. De retour à Savannah pour Pâques, il repart trois jours plus tard pour la Floride. Dans le même temps, il veille sur ses prêtres. Certains sont au front. D'autres, comme le Père Clavreul qu'il a fait venir de France en 1859, sont auprès des plus faibles et des civils les plus exposés.

Le 16 novembre 1864, Sherman incendie Atlanta et poursuit sa marche sur Savannah avec 60 000 hommes. Sur place, Mgr Vérot organise l'évacuation de ceux, femmes, vieillard, enfants, qui ont le plus à craindre de la fureur yankee. Le 18 janvier 1865, il quitte Savannah désormais aux mains des envahisseurs et rejpoint le nord-ouest de la Floride toujours tenu par les Confédérés. Il faut lire, dans le Journal du prélat, le récit de ce périple à travers les marais au risque des patrouilles nordistes, la désolation des fermes rasées jusqu'au sol, du bétail abattu, des corps laissés sans sépulture.

En mars 1865, il revient à Savannah et découvre que les Yankees ont dévasté – croix brisées, tombes ouvertes et profanées, ossements dispersés – le cimetière catholique Saint-Vincent-de-Paul. Et des habitants, hébétés, qui s'efforcent de rassemble pour les ré-inhumer, les pauvres restes, dont ceux de deux évêques, Mgr Garland (mort du choléra en 1854) et Mgr Banon, ancien vicaire apostolique en Afrique.

En avril 1865, le Sud a cessé de vivre. Comme il l'a fait pendant la guerre, Augustin Vérot, fixé à San Augustine (il en sera nommé évêque en 1870), prend sa part du martyre des civils sous le joug implacable des vainqueurs. Il soigne les corps et les âmes. Ayant condamné l’esclavage, comme le général Lee (« C'est un mal moral et politique »), Mgr Vérot ne fut cependant jamais dupe des prétextes humanitaristes avancées par Lincoln pour s'emparer du libre Sud et le mettre à genoux.

Quand il s'éteint à San Augustine, le 9 juin 1876, Mgr Vérot, qui est devenu un des personnages-clefs du concile Vatican I (mais ça, c'est une autre histoire), aura ces simples mots, dits en français : « La nuit est longue à la douleur qui veille ». Et il s'endormira dans l’Éternité.

S'il y avait eu quelques doutes sur la capacité des catholiques à être de « bons Américains » avant la guerre entre les États, après 1861 la question est réglée : ils ont été de courageux et loyaux confédérés, au coude-à-coude avec leurs voisins sudistes. Mgr Vérot, l'évêque rebelle, fut à coup sûr un des précieux acteurs de cette fraternité d'â(r)mes.

Alain Sanders

 

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