James Carlos Blake : Red Grass River
Le secret des Everglades

 

Si vous ne connaissez que la Floride ripolinée de Miami, de Fort Lauderdale et des Keys hemingwayiens, oubliez-la ! Avec le roman de James Carlos Blake, Red Grass River, on est, certes, dans le sud de la Floride (au début du XXe siècle), mais au cœur des Everglades, ces labyrinthes de marécages où il faut être d’une trempe particulière pour vivre (et même simplement survivre).

Il y a une famille – on a envie de dire : un clan – qui le fait très bien. Les Ashley. Une famille, un clan, et même une bande border line menée par l’un des garçons, John Ashley. Braquages de banques, trafics de moonshine (alcool de contrebande), règlements de compte, rien ne manque à la panoplie de ces outlaws que personne ne se risque à aller titiller au cœur de leur forteresse aquatique…

Personne sinon, peut-être, le shérif Bobby Barker, ridiculisé à intervalles réguliers par John Ashley et qui ne rêve que de se venger. De temps à autre, John, ce « Jesse James des marais », se fait piéger. On l’envoie en prison. Il s’en évade. Et part se mettre au vert au Texas. Pour en revenir encore plus disposé à remettre ça.

« Si le Diable a fait pousser un jardin, c’est les Everglades (…). Pour vivre là, il faut être abandonné de Dieu ou carrément damné », écrit James Carlos Blake. Un monde hostile ? C’est rien de le dire… De la boue et de la vase à perte de vue, des cyprès émergés, des lianes, des herbes acérées, des sables mouvants, des alligators, des serpents, des moustiques à noircir le ciel, une végétation putride…

Les Ashley sont ce qu’on appelle des crackers. L’équivalent des rednecks dans les autres Etats du Sud. Arrivés de Géorgie et ainsi dénommés parce qu’ils faisaient claquer (to crack) leurs fouets à bétail.

L’histoire commence en décembre 1911. Elle s’achève en décembre 1924. Avec la « civilisation » qui grignote, les villes qui empiètent sur le wilderness, Miami qui se transforme. Avec la Prohibition sur laquelle les Ashley vont prospérer. Jusqu’à ce que la rivalité avec des maffieux venus Nord (qui sont ces Yankees qui viennent voler le gagne-pain des crackers !) tourne à l’affrontement armé.

C’est une histoire – et même des histoires – tragique. Mais une histoire d’amour aussi. L’amour de John pour une jeune prostituée aveugle, Loretta May. Et pour une sauvageonne au visage durci et tanné dont il a fait sa femme, Laura.

La prudence commanderait à John, à ses frères, à ses complices, de ne pas aller faire les malins dans les boîtes et les restaurants de la ville. Ce serait mal les connaître. Ils aiment jouer avec le feu. Les flics ? La plupart d’entre eux sont contents de les voir repartir vers leurs marais et de se faire oublier un peu… Impossible de les alpaguer. A moins… A moins de trouver un Judas qui les conduirait au cœur de leur tanière…

A noter que le gang Ashley a vraiment existé. Et que James Carlos Blake n’a fait que prendre quelques menus libertés avec la vérité. La Floride, terre de vacances pour pépères nordistes ? Aujourd’hui, peut-être. Mais, dans la première moitié du XXe siècle, une sauvage terre d’aventures.

Alain Sanders

- Payot-Rivages.

 

 

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