Raphael Semmes :
Le Requin de la Confédération
L’épopée d’un corsaire sudiste (1861-1865)

 

En janvier 1863, le fameux navire de la marine confédérée Alabama jetait l’ancre au large de la République dominicaine. Son capitaine, Ralph Semmes, gagnait la terre ferme et demandait aussitôt à voir, à l’Estancia Esmeralda, Jane et William Cazneau, un couple d’aventuriers favorables à la cause du Sud.

Pendant des mois, grâce à l’entremise des Cazneau, Saint-Domingue demeura la base des opérations de l’Alabama qui s’attaquait aux bateaux de l’Union naviguant dans la mer des Caraïbes. Quand ils étaient coulés, l’Alabama capturait les hommes d’équipage et les transportait à terre.

Le capitaine du navire confédéré, bien informé, savait exactement où et quand il pouvait intercepter les navires nord-américains.

L’agent consulaire américain à Saint-Domingue, William Yeager, finit par prendre ombrage de ces activités. Il disait des officiers de l’Union « qu’ils tressaient des couronnes de lotus pendant que l’Alabama balayait la mer des Caraïbes ». Le gouvernement de Washington ordonna à ses agents de réagir plus vigoureusement. Les Espagnols furent également alertés.

L’Alabama dut quitter son champ d’action et gagna l’Atlantique pour se réfugier finalement vers les côtes françaises.

Le capitaine de vaisseau Raphaël Semmes était un marin qui avait un bon bilan : en 22 mois, à travers l’Atlantique, le golfe du Mexique, la mer des Antilles, l’Océan Indien et même la mer de Chine, l’Alabama avait capturé ou coulé 165 navires yankees dont l’USS Hatteras.

Sa mission ? Forcer le blocus nordiste des ports du Sud (blocus quasiment infranchissable en 1862-1863) et tenter de casser le commerce maritime yankee.

Alors qu’il était occupé à marauder dans la mer de Chine, du côté de Poulo-Condore, l’Alabama dut remonter vers les arsenaux du Cap pour y subir de sérieuses réparations.

Pourquoi Le Cap ? Parce que cette escale était réputée et que le capitaine Semmes y avait été reçu en héros à l’aller.

Ce que le capitaine Semmes ignorait, c’est que les Yankees avaient obtenu que la Grande-Bretagne, puissance coloniale, observe de façon plus stricte qu’elle ne le faisait jusque-là, sa position de pays neutre.

Arrivé devant Capetown, l’Alabama put se réapprovisionner en vivres, en eau, en charbon, mais se vit interdire tout accès aux arsenaux. Semmes décida alors de mettre le cap sur Cherbourg. Malgré les conditions dégradées du bateau et les bâtiments de l’US Navy qui grouillaient dans les parages, le CSS Alabama arriva à Cherbourg le 11 juin 1864.

Malgré leur embarras, les autorités françaises acceptèrent que le navire sudiste soit réparé – au moins pour le plus urgent – à Cherbourg. La nouvelle en parvint aux oreilles des Yankees qui dépêchèrent devant le port du Cotentin la corvette Kearsage, commandée par le capitaine de vaisseau Winslow.

Semmes et Winslow se connaissaient bien. Tous deux originaires du Sud, ils avaient choisi des chemins différents lorsque la guerre avait éclaté : démissionnaire de l’US Navy, Semmes choisissant de se mettre au service des États confédérés, Winslow choisissant, lui, le Nord.

Le capitaine Semmes n’hésita pas un seul instant. Attendre plus longtemps à Cherbourg, c’était courir le risque que soient rameutés d’autres navires yankees et rester bloqué là jusqu’à la fin de la guerre : il fallait donc tenter de s’échapper. Comment ? En combattant.

Le 19 juin, à dix heures du matin, des milliers de spectateurs, arrivés de Paris par trains entiers, prirent place sur les hauteurs de Cherbourg pour assister à la bataille.

Le même jour, escorté par la frégate cuirassée La Couronne, le CSS Alabama quitta le port. Le combat d’engagea avec le Kearsage. Il dura plus d’une heure. L’Alabama, désavantagé par l’état général de sa coque et par la mauvaise qualité de sa poudre, fut bientôt touché à mort par quelques salves bien ajustées. Les larmes aux yeux, Le capitaine Semmes donna alors l’ordre d’amener les couleurs, puis d’abandonner le navire qui sombra rapidement.

Alain Sanders

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