The Indispensable Rockabilly
1951-1960

 

Le premier mérite de ce coffret de 3 CD de chez Frémeaux (dont on ne louera jamais assez la veine anthologique sur de nombreux sujets) est de rassembler quelque 90 titres rockabilly oubliés ou méconnus (voire inconnus en France).

Il y a bien sûr les grosses pointures : Bill Haley, Johnny Cash, Elvis Presley, Merle Kilgore, Carl Perkins, Eddie Cochran, Buddy Holly, Roy Orbison, Gene Vincent, Jerry Lee Lewis, etc.

Mais aussi ceux qui, un temps sous les sunlights, se sont doucettement effacés : Junior Thompson, Warren Smith, Ron Hargrave, Jacky Goltroe, Joe Clay, Lew Williams and Co.

Il faut dire que le jeu est un peu cruel quand certains titres ont été partagés par les grosses pointures et les autres perdus dans nos mémoires. Ecoutez, par exemple, Whole Lotta Shakin’ Goin’ On par Roy Hall, puis par Jerry Lee Lewis.

Il n’y a pas photo comme on dit. Et l’on comprend pourquoi le “Killer” est éternel quand Roy Hall n’est plus qu’une butte témoin dans l’histoire du rockabilly.

Même remarque en ce qui concerne Blue Suede Shoes par Carl Perkins (et Dieu sait pourtant que je l’aime lui qui fut l’auteur de ce morceau, lui à qui les Beatles vouaient une totale admiration), et le même titre chanté par Elvis Presley. On pourrait ainsi multiplier les exemples jusqu’à plus soif. Il y eut de très honnêtes desservants. Et il y eut des génies.

Le livret d’accompagnement (1), toujours très documenté, nous dit que le rockabilly fut “lancé par l’immense succès d’Elvis Presley qui cristallisa ce style en 1954”. C’est un peu réducteur. Le rockabilly n’a pas attendu Presley pour exister. C’est d’ailleurs pourquoi – et à juste titre – le coffret couvre le sujet dès les années 1951.

Musique du Sud profond, musique des Petits Blancs, musique des White Trash, le rockabilly, issu de la country music (dans rockabilly, il y a rock et hillbilly), est justement aux antipodes de la folk largement instrumentalisée et intellectualisée par les crânes d’œuf de la côte Est. Et, contrairement à ce qu’on nous explique souvent, le rockabilly a plus influencé des artistes afro-américains (Little Richard, Ray Charles, Bo Diddley, James Brown, Chuck Berry) qu’il n’a été influencé par des artistes afro-américains.

Si, par la suite, des chanteurs comme Wanda Jackson, Rick Nelson, Buck Owens, Elvis Presley, Conway Twity, Johnny Burnette, voire George Jones, passèrent à autre chose que le rockabilly, ce n’est pas à cause du “ scandale ” supposé de ce genre. Mais parce qu’ils eurent envie d’explorer de nouveaux horizons et de renouer avec leurs racines originelles.

Alain Sanders

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(1) Une fois de plus, le livret, par ailleurs très bien fait, est signé par Bruno Blum. Comme à son habitude, il écrit l’histoire en noir et en blanc, ressassant le même refrain (on y a droit aussi sur le coffret Eddie Cochran) sur la ségrégation raciale, les Noirs géniaux et forcément géniaux et créateurs, et les Blancs forcément suiveurs et inévitablement plagieurs. Ce manichéisme systématique finit par être contreproductif.


– Frémeaux & associés, 20, rue Robert-Giraudineau, 94 300 Vincennes.

 

 

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