Kent Anderson : Pas de saison pour l'enfer
Si je t'oublie jamais, Vietnam...

 

Kent Anderson, qui porte aujourd’hui une allègre soixantaine, est l’auteur d’un chef d’œuvre, Sympathy for the Devil (1987), qui est sans doute le meilleur roman jamais écrit sur la guerre du Vietnam. Une guerre qu’il a faite – il avait alors 23 ans – au sein des Forces spéciales, les légendaires Bérets verts.

Il est aussi l’auteur d’un autre grand roman, Chiens de la nuit (1996). Et donc de ce recueil de nouvelles – très autobiographiques – inédites en français et aujourd’hui publiées sous le titre Pas de saison en enfer. Le titre original de cet ouvrage, publié en 1998 aux Etats-Unis, est Liquor, Guns & Ammo (« De l’alcool, des flingues et des munitions »). Un titre qui rappelle celui d’une chanson country (et la country music est très présente dans ce livre) qui ne peut que lui plaire : Beers, Guns & Ammo.

Kent Anderson, qui vit aujourd’hui à Santa Fe, au Nouveau-Mexique, n’est pas un ancien combattant. C’est toujours un combattant. Toujours animé par une même rage :

- Encore aujourd’hui, rares sont les jours où je n’ai pas envie de mettre une branlée à quelqu’un. De lui casser le nez. De le foutre KO. De lui arracher des larmes. Et de lui demander : « T’as déjà connu la trouille, connard, la vraie trouille ? Moi, oui ».

Les titres des nouvelles traduisent par eux-mêmes cette rage : « Sang et rédemption », « Combats de coqs à Dening », « Tuer un loup en Mongolie », « Aire de repos », « Barranca del Cobre », « Notes sur les chevaux », « Sur la route du Vietnam », etc.

Les thèmes ? Dans le Tuckson Weekly, Jim Carvlho les a parfaitement identifiés : « Les thèmes passionnants de ces textes (corridas, combats de coqs, rassemblements de miliciens, conventions de mercenaires, etc.) pourraient rappeler Harry Crews (…). Mais, alors que Crews filtre ses observations à travers la lentille de son enfance rurale, celles d’Anderson (…) offrent des aperçus déchirants sur des expériences que la plupart d’entre nous ne connaîtront jamais, sur des émotions que peu d’entre nous comprendront jamais ».

Kent Anderson, c’est d’abord une écriture. Sans concessions. Et excellemment rendue là par sa traductrice, Nathalie Bru. On n’est pas, avec ce Béret vert, dans le maniérisme, le non-dit, le suggéré, le mezzo voce, mais dans le dur, le dru, le charnel, l’humain. En couverture du livre, on le voit à Mai Loc au Vietnam. De cette photo, il dit : « Regardez le mec de vingt-quatre ans que j’étais alors. Observez ses yeux. Vous voyez ? Il est passé de l’autre côté du miroir et ne pourra plus revenir ».

Un survivant. Qui a du mal à côtoyer ceux qui n’ont pas connu la trouille, la vraie trouille. A commencer par les intellos pacifistes : « Eux, je peux les faire chier dans leur froc et pas besoin de leur dire, ils le savent, ils ne partagent peut-être pas ce que je dis, mais je gagne toujours ».

Alain Sanders

- 13E Note Editions, 6, rue Debelleyne, 75003 Paris

 
 

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