Tennessee :le "roman" de Shiloh

Shiloh

de Shelby Foote

 

La bataille de Shiloh fut un des affrontements majeurs de la guerre dite de sécession. Elle se déroula dans le sud-ouest du Tennessee les 6 et 7 avril 1862. Un carnage : 1728 morts et 8012 blessés côté nordiste, 1754 morts et 8408 blessés côté sudiste.

A Shiloh (shiloh, nom biblique que l'on trouve dans le Deuxième Livre de Samuel, signifie « lieu de paix »...), les généraux confédérés Albert Sidney Johnston et Pierre Gustave Toutant de Beauregard firent face aux généraux yankees Ulysses Grant et Don Carlos Buel. Johnston fut tué – ce qui changea sans doute le cours des événements – le premier jour de la bataille. L'attaque que mena Beauregard contre l'Armée de l'Union, commandée par Grant, fut contrecarrée par l'arrivée des renforts de l'armée de l'Ohio commandée par Don Carlos Buel. Et les Yankees purent dès lors poursuivent leur percée dans le nord du Mississippi. Un coup dur pour le Sud.

Tout cela peut être raconté, comme je viens de le faire, à la façon d'un froid rapport d'état-major. Ou bien narré comme dans le roman de Shelby Foote, Shiloh (Rivages), une pépite de 1952 jamais traduite et publiée en France à ce jour.

Shiley Foote (1916-2005), historien et romancier, est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages (quatre ont été publiés en France à la fin des années soixante-dix), dont une histoire de la guerre entre les États de quelque 3000 pages : The Civil War : a Narrative. L’œuvre d'une vie, l’œuvre de sa vie.

Pour raconter la peur, la détresse, l’horreur de Shiloh, Foote donne la parole à six hommes, trois Fédéraux et trois Confédérés. Six voix qui vivent le même événement et qui, pourtant, le vivent différemment : le lieutenant Palmer Metcalfe, aide de camp du général Johnston ; le capitaine Walter Fountain, adjudant-major du 53e régiment de l'Ohio ; le soldat Luther Dade, fusilier du 6e régiment du Mississippi ; le soldat Otto Flickner, artilleur de la 1ère batterie du Minnesota ; le sergent Jefferson Polly, éclaireur du régiment de cavalerie du colonel Forrest ; Robert Diff, 3ème section du 23e régiment de l'Indiana.

Nous l'avons dit, Shelby Foote était écrivain et historien. Il indique : « Les personnages historiques mis en scène dans ce récit parlent et agissent comme ils l'ont fait à Shiloh. De nombreux événements mineurs décrits ici, bien que parfois attribués à des personnes fictives, ont par ailleurs vraiment eu lieu, tout comme j'espère fidèlement reproduit le détail des conditions météorologiques ».

Mais Shelby Foote était historien et écrivain. Ce qui fait toute la différence et donne une dimension romanesque – mais peut-être plus vraie que les rapports militaires – à ce cataclysme humain.

Interrogé en 1997 sur ce qu'il aurait fait, lui le natif de Greenville, Mississippi, pendant la guerre entre les États, il ne pratique pas la langue de bois : « Je me serais battu pour la Confédération. Et même, je dois dire que je me battrais encore aujourd'hui pour la Confédération si les circonstances étaient similaires. Il y a tellement d'incompréhensions au sujet de la Confédération, du drapeau sudiste, de l'esclavage, toutes ces choses. Ce n'est pas avec le politiquement correct d'aujourd'hui qu'on peut appréhender des événements qui se sont déroulés au milieu du XIXe siècle. Substantiellement, les Sudistes se sont battus pour quelques bonnes raisons. Les droits des États ne sont pas juste une excuse théorique pour opprimer le peuple. Pour comprendre, il faut écouter ce soldat sudiste en haillons qui, ne possédant pas d'esclaves et n'ayant probablement jamais lu la Constitution des États-Unis, répondit aux Fédéraux qui l'avaient capturé et lui demandaient pourquoi il se battait : Je vous combats parce que vous êtes entrés chez moi sans y avoir été invités. Moi aussi, je me serais certainement battu pour empêcher que ces gens viennent envahir mon pays natal ».

Pour le reste, nous ne saurions trop conseiller d'aller visiter, au Tennessee, le Shiloh National Military Park. « Le site de bataille sans doute le mieux préservé du monde », disait Shelby Foote. Paroles d'expert.

Alain Sanders

 

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