1954, Memphis, Tennessee

Cette année-là, un certain Elvis…

 

Dans la nuit du 5 au 6 juillet 1954, Studio Sun, 706 Union Avenue, Memphis, Tennessee. Il y a là un gamin de 18 ans. Il chante un vieux blues du Mississippi. Il y a là un bon guitariste qui gratouille les cordes de son instrument, Scotty Moore. Et Bill Black qui s’affaire sur sa contrebasse. Le p’tit jeune – il s’appelle Presley, Elvis Presley –, un redneck bon teint, originaire de Tupelo, Mississippi, attaque That’s All Right.

Le morceau est enregistré. Il va bientôt passer en boucle sur les radios. Un tube. Pour le plus grand bonheur du patron du Studio Sun, Sam Philips. La secrétaire de ce dernier avait demandé quelques jours plus tôt au jeune Sudiste :

- Quel genre de chanteur êtes-vous ?
- Je chante de tout.
- De qui vous inspirez-vous ?
- De personne.
- Vous faites du hillbilly ?
- Oui, je chante du hillbilly.
- Qui est votre modèle dans le hillbilly ?
- I don’t sound like nobody (“Je ne ressemble à personne ”).

Ce n’est pas une vantardise. Même si son inspiration majeure est celle de tous les country boys de l’époque, il est atypique. Mais il est imprégné de la country music qu’il a écoutée sur la radio locale de Tupelo, WELO, où les jeunes pouvaient se produire au Satyrday Jamboree et où il s’était parfois rendu. Les grands s’appellent Hank Williams, Gene Autry, Jim Reeves, Jimmie Rodgers, etc. On ajoutera à ces influences le white gospel (qu’il chante à l’église de ses parents), le blues, le western swing et même le Bel Canto.

Ce 5 juillet, il enregistre donc That’s All Right (écrit et chanté en 1946 par le bluesman noir Arthur Big Boy Crudup). Et un morceau de bluegrass, Bluemoon of Kentucky (écrit et enregistré en 1947 par Bill Monroe). Deux titres que Crudup et Monroe auraient bien du mal à reconnaître après leurs relectures par ce petit prince qui va devenir le King.

Il y avait un avant Elvis. Il y aura un après Elvis. Venu du Sud profond, élevé strictement dans la politesse et le respect des dames et des personnes âgées, c’est à la fréquentation de la First Assembly of God, où il va avec sa mère, Gladys, qu’il doit ses premières émotions musicales.

Aujourd’hui, le Studio Sun, qui a vu passer – excusez du peu – Howlin’ Wolf, Carl Perkins (c’est lui qui a écrit Blue Suede Shoes), Charlie Rich, Jerry Lee Lewis, Roy Orbison, etc. – est devenu avec Graceland (la résidence d’Elvis à Memphis)), un lieu mythique. Un petit bâtiment de briques de rien du tout. Un monument qui aura fait bouger les lignes musicales et sans doute sociologiques.

Alain Sanders

 

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