En 2014 – il y a donc déjà près de dix ans – nous découvrions en France, grâce aux éditions Gallmeister, le premier roman de Kim Zupan, Les Arpenteurs. On le retrouve, et toujours chez Gallmeister bien sûr, avec un roman ambigu, sombre, ténébreux et un peu racoleur tout à la fois, Trop loin de Dieu.

Kim Zupan, est originaire du Montana et c'est là qu'il vit. C'était déjà au Montana que se déroulait l'action des Arpenteurs, dans la région des Great Falls. Nous ne quittons pas le Montana dans Trop loin de Dieu qui s'ouvre ainsi : « En haut de la montagne, il y a une sorte de redoute rudimentaire en pierre, et là, à l'abri du vent qui souffle en permanence, un homme est assis. »

Hickey, le héros (le contre-héros plutôt) de ce conte montanesque, sillonne les routes de campagne pour collecter les cadavres d'animaux tués par des voitures. Un job utile et officiel qui lui vaut néanmoins un surnom peu flatteur : le Charognard. Par tous les temps, Hickey est sur zone. Et même au cœur de l'hiver (et l'hiver, au Montana, ce n'est pas rien) quand il fait « plus froid qu'une crotte gelée dans un Esquimau mort... »

Un jour, un homme venu d'ailleurs et étranger aux us et coutumes du Montana, rachète un dude ranch (un ranch pour vacanciers désireux de jouer les cowboys) abandonné depuis des années.

Cet homme, Robert Van Zyl va proposer à Hickey un incroyable marché : « Ce que je vous propose, c'est de prendre les animaux morts que vous trouvez dans le cadre de vos activités et de les utiliser pour nourrir nos hôtes ».

Plutôt bizarre, non ? D’autant que la loi – et c'est le premier argument avancé par Hickey – interdit de garder pour son usage personnel les animaux tués sur les routes. Objection balayée par Van Zyl : on peut toujours s'arranger avec la loi et un shérif compréhensif... Pour le Charognard, explique Van Zyl, ce serait tout bénéfice : paiement par tête, en liquide, remis en main propre chaque semaine.

L'accord est passé. Hickey se pose bien quelques questions sur Van Zyl et ses hôtes très originaux, mais il palpe sans état d'âme (mettre les animaux morts au dépotoir ou les livrer chez Van Zyl, bof...) les dollars de ce morbide marché.

Le problème, c'est qu'un jour ce n'est pas un animal mort que Hickey ramasse sur la route, mais le cadavre d'un homme. Et apparemment pas victime d'un automobiliste pressé, lui. Consigne immédiate de Van Zyl : ne raconter ça « ni au shérif ni à personne d'autre ». Reste, à partir de là, que c'est sur une autre musique qu'on embraie...

On lit dans le livre de Job (30 ;29) : « Me voici devenu le frère des chacals, le compagnon des hiboux ». Pas des compagnonnages faciles quand les coyotes sont à la manœuvre. Pour Hickey, c'est désormais danse avec les hyènes. Pour le malheur et pour le pire.

Il y a comme une urgence à mettre notre Montana (et notre Wyoming) à l'abri des tarés. Rendez-vous Craig Johnson !

Alain Sanders

– Gallmeister