John Gierach : Là-bas, les truites...

…sont toutes grandes comme ta jambe

 

On s’est demandé naguère, à propos de Saint-Exupéry, s’il était une pilote-écrivain ou un écrivain-pilote. Pour John Gierach, la question est de savoir s’il est un pêcheur-écrivain ou un écrivain-pêcheur.

Ce qui est sûr, c’est qu’il est grand pêcheur devant l’Eternel. Ce qui, incontestablement, fait de lui un pêcheur. Et il a publié de nombreux livres passionnants sur – et autour de – la pêche. Ce qui fait de lui, tout aussi incontestablement, un écrivain. Citons quelques-uns de ses titres (ceux publiés en France dans la collection "Nature Writing" chez Gallmeister) : Traité du zen et de l’art de la pêche à la mouche, Truites & Cie, Même les truites ont du vague à l’âme, et le superbe Là-bas, les truites… que nous allons dire.

Le titre complet de ce livre devrait être, comme il l’est dans la version originale, "Là-bas, les truites… sont grandes comme ta jambe". Une phrase qui « sent » son pêcheur, des gens à qui on peut tout reprocher sauf de n’avoir pas le sens de l’hyperbole. Genre : "Ecoute, c’est pas tout près, mais je connais un endroit où…". Que l’on complète ainsi : "… où personne ne pêche jamais". Ou encore : "… où seuls le rancher et moi avons les clefs du portail."

Car là réside le rêve des pêcheurs passionnés : le coin secret, le coin caché, le coin mythique où les truites, les brookies et autres truites farios ne sont plus seulement des poissons, mais des créatures légendaires.

Quand on lit John Gierach, on n’a qu’une envie : s’initier à la pêche à la mouche et aux arcanes des Adams, Blue-Winged Olive, Green Drake (1). Ne serait-ce que pour partager ces moments de pêche, ces « coups de pêche » comme disent les Caldoches de Nouvelle-Calédonie, avec ce bonhomme qui, sous prétexte de parler de poissons, nous en dit long sur l’homme et la nature humaine.

On vous a livré un coin secret. Vous arrivez dans une petite ville et vous cherchez une chambre (et le General Store de Main Street où l’on vend des appâts) : « Vous trouvez le motel perdu à façade écaillée, bon marché : parfait. Au mieux, vous êtes venu par une route touristique secondaire. Si la route s’appelle, disons Duck Creek, alors votre motel sera le Duck Inn, joliment conservé dans son jus des années 1950. »

Gamin, John Gierach vivait dans l’Illinois. L’été, avec les autres marmousets de son âge, il pêchait. Avec un bâton, du fil et des hameçons. Pour attraper plus de tortues et de grenouilles que de poissons-chats… Après la fac, il est allé s’installer dans les Rocheuses. Et puis le Montana, le Wyoming, le Colorado et autres lieus où coulent des rivières à truites.

Dans un petit matin froid, buvez avec John Gierach un café brûlant additionné de whiskey et écoutez-le dire. Que « les coins secrets sont l’âme de la pêche ». Et réciproquement, bien sûr…

Alain Sanders

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(1) Les mouches américaines les plus réputées

- Gallmeister

 

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