Trevanian : Incident à Twenty-Mile
Deep In The Heart Of Wyoming…

 

Avant de parler plus précisément de ce roman, qui relève tout à la fois du western, du polar, du thriller – et, plus simplement, de la grande littérature –, un mot de son auteur qui, à ce jour, reste une énigme. Parce que l’on ne sait quasiment rien de lui. Sinon qu’il était américain, qu’il a vécu un temps au Pays basque et qu’il serait mort – mais c’est une supputation – en 2005.

Ses romans, vendus à des millions d’exemplaires, on peut les trouver aux Editions Gallmeister : La Sanction, L’expert, Shibumi, et ce chef d’œuvre que nous allons dire : Incident à Twenty-Mile, son premier roman inédit publié en France depuis trente ans (dans une remarquable traduction de Jacques Mailhos).

Nous sommes au Wyoming. En 1898. Au cœur des montagnes. A Twenty-Mile, un bled perdu qui a connu naguère des jours meilleurs et qui continue à vivoter tant bien que mal. Grâce à son bordel miteux, l’Hôtel des Voyageurs. A sa gargote infâme tenue par des espèces de Thénardier, L’Auberge de Bjorkvist. Un General Store. Et un barbier, Le Palais du Rasoir. Tous endroits envahis, chaque samedi soir, par les mineurs du Filon Surprise où l’on extrait encore un peu d’argent.

Un jour, un jeune étranger, Matthew, sorte de Bill the Kid en déshérence (1), débarque en ville et s’y installe.

Il arrive les mains vide, porteur seulement d’un lourd secret et d’un fusil encore plus lourd hérité de son père. Une pétoire aussi dangereuse pour son utilisateur que pour ceux sur lesquels elle tire… Il n’a apparemment qu’une envie, ce gamin : s’intégrer à la communauté. Il y réussit en partie, séduisant même la grosse fille des Thénardier de L’Auberge de Bjorkvist, alors qu’il en pince plutôt pour la jolie Ruth Lillian, la fille de Kane, le proprio du General Store.

Pendant que Mattew fait son trou dans ce hell hole, un dingo sadique, Lieder, s’évade de la prison d’Etat de Laramie avec deux dégénérés d’anthologie qu’il manipule et subjugue tout à la fois. Direction Twenty-Mile. Pour prendre le contrôle de la bourgade et s’emparer du convoi hebdomadaire de minerai d’argent qui y fait étape avant d’être acheminé vers la fonderie de Destiny.

L’un des moments les plus forts de ce livre, à la cruauté parfois insoutenable, sera cette prise en main de Twenty-Mile par Lieder et ses deux brutes absolues. Les caractères des uns et des autres vont s’y révéler de par la violence démente imposée par les tueurs. Là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie. C’est à dire beaucoup de veulerie, autant de lâcheté et, à dose infinitésimale, quelque chose qui peut ressembler à du courage.

Je ne vous en dit pas plus. Sinon pour vous conseiller une lecture appliquée des dernières pages du livre où Trevanian finit de nous mystifier avec un manuscrit retrouvé en 1898 où l’on est supposé avoir le fin mot de la tragédie de Twenty-Mile et de la postérité de quelques-uns des protagonistes. Un grand roman ? Plus que ça : un grand chef d’œuvre

Alain Sanders

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(1) Il se fait appeler Ringo Kid…

Editions Gallmeister, 14, rue du Regard, 75006 Paris.

 

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