Le programme du Country Rendez-Vous de Craponne est toujours excellent.
Cette année, il était exceptionnel !

Et si le Festival Country Rendez-Vous de Craponne, drivé de main de maître par Georges Carrier n’existait pas ? Eh bien, il faudrait l’inventer ! Car les (vrais) amateurs de country music y découvrent, d’année en année, des artistes américains (mais aussi quelques Eu-ropéens) qui sont de ces desservants de la real thing et qui nous font chaud au cœur.

Disons-le tout net : le programme de Craponne-sur-Arzon est toujours excellent. Mais il était, cette année, exceptionnel ! Pendant trois jours, du vendredi au dimanche, deux jours sous un soleil brûlant, une journée sous une pluie intermittente (mais cette intermittence-là n’a pas gêné notre festival), nous avons vibré aux rythmes des Tomahawk, de Dallas Wayne, de Bill Kirchen, de Pinmonkey (un nom tiré de la série des Simpsons !), de Coal, des Yonder Mountain String Band, d’Anna Fermin’s Trigger Gospel, de Michael Peterson, de Stan Martin, de Monogram, de Jesse Dayton, d’Elizabeth Cook, des Derailers et de Red Benoit.

Un mot, d’abord, du Yonder Mountain String Band (des Américains) et de Monogram (des Tchèques). Deux orchestres de bluegrass qui ont fait l’unanimité. Des amateurs de bluegrass en particulier et des fans de country en général. Mais aussi des line dancers qui ont dansé comme des fous sur tous les morceaux de ces grasseux qui ont mis le feu au podium. Que l’on ne vienne plus me dire après ça — et comme je l’ai trop souvent entendu — qu’« on ne peut pas danser sur du bluegrass » !


Anna Fermin*


Elisabeth Cook*

Yonder Mountain String Band, entre bluegrass, newgrass et slamgrass, nous ont offert un grand moment de jamgrass. Originaires de Nedrland, Colorado, ces quatre garçons — Jeff Austin, Ben Kaufmann, Dave Johnston et Adam Aijula — ont conquis les plus exigeants. Même remarque pour Monogram (quatre graçons eux aussi : Jaromir Jahoda, Jakub Racek, Zdemik Jahoda et Pavel Lzicar). Country Music Attitude vous signalait, dans un récent numéro leur inimitable talent. « La République tchèque, l’autre patrie du bluegrass », écrivions-nous notamment. Vous avez pu juger sur pièces.

En ouverture, les Suisses de Tomahawk — programmés à l’heure hache, évidemment — ont contribué à donner au festival un départ sur les chapeaux de roues. Rien de ce que nous aimons — cajun, tex-mex, bluegrass, country rock, roots — ne leur est étranger. Alors ? Alors que du bonheur !

Que du bonheur, aussi, avec Dallas Wayne : 25 ans de carrière et un punch de jeune homme. Lui qui a partagé la scène avec les plus grands (Jerry Lee Lewis, Merle Haggard, Tanya Tucker, les Bellamy Brothers, etc.) a su démontrer qu’il restait l’un des rois de la honky-tonk attitude. Même remarque pour Bill Kirchen, un « vieux de la vieille », qui est un des maîtres des truck driving songs.

Nous ne connaissions pas les Pinmonkey, sinon que l’adoubement de Dolly Parton (qui a chanté avec eux son Falling Out Of Love With Me) était une sacrée référence. Dolly ne se trompe jamais. La preuve !
Venus de Suisse, comme Tomahawk, Coal est allé au charbon avec une simplicité qui en fait — notamment avec son titre Working Man — une valeur sûre dès à présent.

La révélation de cette année, la vraie grande trouvaille de Georges Carrier ? Anna Fermin. D’origine philippine, émigrée avec sa famille aux USA alors qu’elle était toute petite, Anna a une voix unique. Loin des petites clones formatées qui chantent sur des tessitures tellement similaires que bien malin celui qui distingue l’une de l’autre, elle sonne « country rock » comme personne. Et nous avons écouté son Blame Me avec des frissons dans tout le corps.

Elu « Meilleur Espoir masculin » aux oscars de TNN à Nashville en 1999, Michael Peterson — qui a donné à Travis Tritt son No More Looking Over My Shoulder — est un fidèle. Lui qui a embrassé, au Grand Ole Opry, le cercle où Hank Williams s’était tenu, est de ceux grâce à qui the circle will never be broken
Stan Martin est de Boston. Le miracle, c’est que sa mère aimait Merle Haggard et Buck Owens. Avec de tels débuts dans la vie, on ne risque pas de se tromper. Et Patty Loveless, George Jones, Suzy Boggus, Charlie Pride, Loretta Lynn, Marty Stuart, etc., ne s’y sont pas trompés en l’invitant à partager la scène avec lui.

Texan pur jus, Jesse Dayton est un vrai hillbilly cat. Nous avions également dit dans Country Music Attitude combien nous l’aimions. Nous avons passé deux jours avec lui à Craponne. Et on vous racontera cela dans un prochain numéro. Dire qu’il a littéralement enthousiasmé Craponne serait peu dire. Aussi reviendrons-nous sur ce phénomène qui a été adoubé, lui, par Johnny Cash.

Jesse Dayton*
 

Avec Elizabeth Cook, de Wilwood (Floride), Loretta Lynn, Emmylou Harris et notre regrettée Tammy Wynette n’ont pas de souci à se faire : la relève est assurée. Et le Grand Ole Opry — où elle s’est produite plusieurs fois — comme Warner Bros (qui l’a engagée) ne s’y sont pas trompés. Ce qui est rassurant à une époque où la merdouille pop tend à envahir les ondes, même à Nashville.

The Derailers, piliers du Broken Spoke et du Continental Club à Austin, ont appelé leur second album : Genuine (« authentique »). Cela dit tout. Des garçons solides — country et new western — bien ancrés : Deep in the heart of Texas.

A Craponne, on aime bien finir sur du cajun mâtiné de zydeco (souvenez-vous du triomphe des Hackberry Ramblers l’an dernier). Cette année, c’est Red Benoit & The Bayou Stomp qui s’y collaient. Pour du french’ zarico pimenté à souhait. Georges Carrier avait dit : « Le festival 2003 sera celui des racines et du retour aux sources avec un florilège de formations qui, chacune dans son style et sa spécialité, tire la quintessence de la country dans tout ce qu’elle compte de diversité. » Promesse tenue !

A.S.

*Photos : Joël Berlu

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