Quand le drapeau français flottait sur le Texas

Le Texas est, aux Etats-Unis, le seul Etat qui soit entré dans l’Union à l’état de république indépendante. Il est aussi le seul Etat américain sur lequel ont flotté six drapeaux différents. Dont le drapeau français.

Le drapeau espagnol

Les couleurs de l’Espagne royale – le sang et or – flottèrent près de trois siècles sur le Texas. En 1519, l’explorateur-aventurier Alonso Alvarez de Pineda fut le premier Européen à débarquer sur les côtes du Texas actuel. Par la suite, l’intérieur du pays fut exploré par Alvar Nuñez Cabeza de Vaca, Francisco Vasquez de Coronado et les hommes de Fernando de Soto qui traversèrent le pays après sa mort, en 1542.

L’Espagne tenta d’installer et de maintenir des forts et des missions le long du Rio Grande. Mais ce n’est qu’en 1682 que fut créée la première véritable colonie espagnole au Texas, à Ysleta (près de ce qui est aujourd’hui El Paso). Il ne faut cependant pas s’y tromper : cette colonie espagnole, harcelée par les Apaches et les Comanches n’attira pas, si ce n’est la zone côtière, grand monde.

Sur la côte, deux villes principales : Matamoros et Galveston. A l’intérieur, une seule bourgade : San Antonio. A la fin du XVIIIe siècle, ce territoire immense compte à peine 7 000 Européens. Entre 1800 et 1821, la souveraineté espagnole sur le Mexique, et donc sur le Texas qui en était une des provinces, n’exista plus que sur le papier. Une première révolte éclata en 1810. Le 27 septembre 1821, le Mexique proclama, après une longue guerre contre l’Espagne, son indépendance.

Le drapeau français

Les Espagnols n’avaient pas installé leur colonie au Texas, en 1682, que les Français débarquaient sur ses côtes trois années plus tard. En 1682, déjà, Cavelier de La Salle avait descendu le Mississippi jusqu’à son embouchure et prit possession de tout le bassin mississippien. Jusqu’au « Fleuve des Palmiers ». C’est-à-dire le Rio Grande. Cette nouvelle colonie française, immense, fut baptisée la Louisiane (rien à voir, quant à la superficie, avec la Louisiane actuelle).

En 1685, La Salle débarque à l’embouchure du Mississippi avec quatre navires et quelque 300 soldats. Mais La Salle rata l’embouchure et prit pied dans la baie de Matagordas. Il fit construire un fortin : le fort Saint-Louis. Et c’est là que flotta – à quelques lieues de l’actuelle ville de Vanderbilt – le drapeau royal fleurdelysé.

Mais les choses se gâtèrent. En 1687, La Salle est assassiné par un de ses hommes. Quand les Espagnols entrent dans le fort Saint-Louis, en 1689, il n’y reste pas un seul Français : ceux qui n’ont pas quitté le fort sont morts de maladie ou ont été massacrés par les Indiens.

Retour des Espagnols, donc. Au moins jusqu’en 1717, date à laquelle fut édifiée La Nouvelle-Orléans. Soucieux de réaffirmer leur souveraineté sur le Texas, les Français menèrent de nombreuses expéditions à l’intérieur du territoire, installèrent même quelques postes où ils purent « commercer » avec les Indiens. Pour les contrer, les Espagnols installèrent à leur tour des presidios (des garnisons) d’où leurs soldats ne sortaient guère. Pour des raisons de politique franco-espagnole en Europe, les Français vendirent la Louisiane aux Espagnols en 1762.

Plus tard, le président Jefferson réaffirma, pour pouvoir agrandir les Etats-Unis d’Amériques, la souveraineté de la France sur la Louisiane. Une Louisiane qui, outre le Texas, englobait notamment un territoire atteignant le Pacifique-Nord et l’Orégon qui était alors réclamé par les Anglais. Cette revendication pro-française de Jefferson n’intervint, faut-il le rappeler, qu’après qu’il eut acheté la Louisiane – qui avait été rétrocédée à la France par l’Espagne en 1800 – à Napoléon en 1803…

 
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Le drapeau mexicain

Devenu mexicain en 1821, le Texas fut intégré, en 1824, à l’Etat de Coahuila dont la capitale était – elle l’est toujours – Saltillo. Et un nouveau drapeau – vert, blanc, rouge, avec un aigle et un serpent – flotta sur le territoire.

Incapable d’installer un nombre suffisant de colons mexicains au Texas, le Mexique encouragea alors l’imigration des Anglo-Saxons. En leur accordant des terrains parfois plus grands que plusieurs départements français.

Parmi ces colonisateurs, Stephen F. Austin. On a donné son nom à l’actuelle capitale du Texas débaptisant, pour l’occasion, une bourgade qui s’appelait Waterloo…

En 1830, il y avait plus de 20 000 Anglo-Américains au Texas. Respectueux des lois mexicaines ? Plus ou moins. Quand les Anglo-Américains refusèrent de payer des taxes douanières qu’ils jugeaient excessives, ils commencèrent à parler d’indépendance. Arrivé au pouvoir par la force, le général Santa Anna décidera en 1835 de les ramener dans le giron du Mexique. Vainqueur à Alamo – 4 000 Mexicains contre moins de 200 Texans –, Santa Anna fut écrasé par le général Sam Houston à San Jacinto le 21 avril 1836.

Les Texans proclamèrent alors leur indépendance. Et la France fut l’un des tout premier pays, sinon le premier, à reconnaître la République du Texas.

Le drapeau texan

Pendant dix ans, un nouveau drapeau : une étoile blanche sur champ bleu perpendiculaire, deux champs horizontaux, blanc en haut, rouge au-dessous, va flotter sur le nouvel Etat. Très vite, la politique prit le pas sur la formidable et héroïque solidarité qui avaient permis aux Texans de sortir du Mexique.

Sous le deuxième président du Texas, Mirabeau Lamar, la République du Texas contracta des dettes s’élevant à plus de 12 millions de dollar-or. Aussi, en 1841, Sam Houston, réélu président pour la deuxième fois, commença de militer pour l’entrée du Texas dans l’Union américaine.

Ce qui n’enchantait guère le gouvernement américain qui ne voulait pas entrer en guerre avec le Mexique, toujours désireux de récupérer le Texas. Mais inquiet, aussi, d’accueillir dans l’Union un Etat qui viendrait renforcer une entité « sudiste » peu encline à obéir au gouvernement unioniste. Le 28 décembre 1845, néanmoins, le Texas fut admis dans l’Union.

Le drapeau américain

En février 1846, le drapeau américain – le Texas en devenait la 28e étoile – flottait sur le Capitole d’Austin devenu officiellement, après douze « capitales » différentes, la capitale du Texas.

Comme prévu, la guerre ne tarda pas d’éclater entre le Mexique et les USA. Fin avril 1846, la Mexican War (la « guerre du Mexique ») débuta sur le Rio Grande. Elle ne prendra fin qu’en 1848 avec le traité de Guadalupe Hidalgo. Le Mexique abandonnait toutes prétentions sur le Texas et les Etats-Unis raflèrent au passage quasiment toute la Californie, le Nouveau-Mexique, le Nevada, l’Utah, l’Arizona, le Colorado et le Wyoming.

Commençait alors pour les Américains, avec ce Far-West de légende, une période que l’on appellera la « Conquête de l’Ouest ».

Le drapeau confédéré

Pendant la guerre entre les Etats (la « guerre de sécession ») de 1861 à 1865, le stars and bars des Confédérés flotta sur le Texas qui s’engagea dans la cause sudiste. On estime, même si le Texas lui-même ne connut pas de combats majeurs, que 60 000 Texans se battirent dans les rangs de la CSA (Confederate States Army). Les Nordistes entreprirent un féroce blocus des côtes texanes. Pour asphyxier l’économie de l’Etat et l’empêcher de recevoir de la France de Napoléon III et du Mexique de Maximilien, tous deux favorables à la cause sécessionniste.

Le 25 décembre 1862, les Nordistes prirent Galveston. Les Sudistes reprirent la ville le 1er janvier 1863. Mais l’un des hauts faits texans pendant cette guerre eut lieu le 8 septembre 1863 à la bataille de Sabine Pass.

A cet endroit de la rivière Sabine, un fortin sudiste était tenu par le lieutenant Dick Dowling. Avec 47 hommes et six canons hors d’âge. Pour réduire le fortin, les Nordistes dépêchèrent cinq canonnières, vingt-deux bateaux et 15 000 hommes. Sans attendre, les Texans ouvrirent le feu sur les canonnières. Deux furent touchés et se rendirent tandis qu’une troisième, touchée elle aussi, partit à la dérive. La flotte nordiste fit alors demi-tour, laissant 100 morts et 350 prisonniers sur le terrain. Une sorte d’Alamo à l’envers…

La dernière bataille de la « guerre de sécession » eut lieu à Palmito Ranch, près de Brownsville, le 13 mai 1865. Ce jour-là, 350 Sudistes culbutèrent 800 soldats nordistes. Pour apprendre de leurs prisonniers que la guerre était terminée. Et que le Sud l’avait perdue. Plus d’un mois plus tôt, le 9 avril 1865, le général Lee avait capitulé à Appomatox, mais personne n’avait pu en prévenir les Texans. Qui purent ainsi dire, comme les Cherokees sudistes du général indien Stand Watie : « Lee s’est peut-être rendu, mais pas nous… »

Alain Sanders

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