Jack London
le fighting spirit américain

Né à San Francisco en 1876, le petit Jack London fut, très jeune, ce qu'on appelle en anglais un "tough guy", c'est-à-dire, grosso modo, un dur à cuir : à l'âge de 5 ans, il était déjà gardien de bestiaux et rapportait à son père, unpauvre trappeur de Californie, quelques dollars de plus.

Né à San Francisco en 1876, le petit Jack London fut, très jeune, ce qu'on appelle en anglais un "tough guy", c'est-à-dire, grosso modo, un dur à cuir : à l'âge de 5 ans, il était déjà gardien de bestiaux et rapportait à son père, un pauvre trappeur de Californie, quelques dollars de plus.

Il faut, si on le peut, essayer d'imaginer la Californie de 1880 qui est aussi loin de celle d'aujourd'hui qu'un village bantou peut l'être de la 5e Avenue. Pour survivre, il faut savoir jouer des poings et du pistolet, être capable de cracher à six pas et de tenir le coup après avoir ingurgité de longues goulées d'une sorte de décapant baptisé "alcool"...
En 1881, le petit Jack — on l'appelle par ce diminutif pour le distinguer de son père, dont il porte le prénom, John — émerveille parents et voisins : il apprend tout seul à lire et à écrire. Du coup, son père décide de l'envoyer à l'école. Il n'y apprendra pas grand-chose.
Plus tard, London écrira : "Je n'ai jamais eu d'enfance et il me semble que je suis sans cesse à la recherche de cette enfance perdue."
A 13 ans, il quitte l'école et suit sa famille, à Oakland. Avec son père, il s'établit "crieur de journaux". Un métier passionnant dont il se lasse vite pour s'engager, malgré les objurgations familiales, chez les "pilleurs d'huîtres". Toutes les nuits, il prend la mer et, à la lueur de quelques falots, joue à cache-cache avec les garde-côtes. A 16 ans, il est le "roi des parcs à huîtres".
Presque sans transition, il abandonne le pillage pour s'engager sur une barque de gardes-pêche chargés de lutter contre la contrebande du poisson. Cela ne l'amuse qu'un temps. Il écrit à sa sœur Elisa : "La vie est trop monotone et les contrebandiers trop timides (…). J’en ai assez ! Véritablement, j'en ai assez !"
Il veut du mouvement. Il veut de la vie et de l'aventure. Il en trouve sur le "Hurton", un trois-mâts en partance pour le détroit de Behring et le Japon pour la chasse aux phoques. Au retour, il montre à sa mère le carnet de no-

tes où il a consigné les pittoresques détails de son voyage. Le "Morning Call" offrant un prix à la meilleure nouvelle écrite par un jeune lecteur, la mère de Jack, Flora London, a l'idée d'adresser les notes remaniées au journal. Jack se met au travail et remporte le premier prix.

Il en est heureux. Il l'est moins, en revanche, du "job" qu'il vient de décrocher chez Walter Bunkam and Son, des fabricants de jute qui ont pignon sur rue. Il écrit à son père : "Si cela continue comme ça, je pourrai bientôt rédiger un dictionnaire complet sur les métiers et professions !"

Il ne se trompe pas : lassé du jute, il devient pelleteur de charbon et se fait reprendre par ses camarades parce qu'il en fait trop et que ça risque de donner des idées à la direction... Ecœuré, London laisse tomber le pelletage et prend la route avec des milliers de chômeurs en marche vers Washington. Arrêté pour vagabondage, il est jeté en prison.


Libéré — il a 19 ans — il rentre en Californie et retourne à l'école ! En travaillant 18 heures par jour, il prépare son entrée à l'université de Berkeley. Il est admis en 1896. Il ne va pas y faire long feu. En 1897, on le retrouve comme ouvrier dans une blanchisserie. Et puis, le 21 juillet de la même année, c'est le grand saut : il part comme chercheur d'or au Klondike (Canada). Il y attrape le scorbut et n'en rapporte même pas 5 grammes d’or...

En 1898, il est portier au lycée d'Oakland et collaborateur du bulletin littéraire de l'école.

Pour améliorer son maigre salaire, il adresse à un hebdomadaire californien le récit de son expérience de chercheur d'or. On le lui refuse. Il écrit alors une nouvelle. Miracle !
Le "San Francisco Times" la publie et lui en donne cinq dollars. Et tout se débloque : un magazine lui demande un récit qu'il paye quarante-cinq dollars et, en 1900, paraît "Le Fils du loup", recueil de récits sur le Grand Nord, qui rencontre un grand succès.

D'autres livres suivront. A commencer par "L'Appel de la forêt" qu'il vendra aux éditions MacMillan pour deux mille dollars. Il ne touchera ainsi plus un cent pour un livre qui se vendra par la suite à des millions d'exemplaires…

Attaché au groupe Hearst, il est envoyé en Corée pour " couvrir " la guerre sino-japonaise. Il y sera un des correspondants de guerre les plus casse-cou de l'histoire de cette honorable profession. Au point d'étonner les Japonais pourtant blasés en la matière.

De retour, il publie "Le loup des mers", "Croc-Blanc" et "Les Vagabonds du rail". Avec les revenus de "Croc-Blanc", il se fait construire un bateau, "Le Snark", et part, en avril 1907, faire le tour du monde. C'est une croisière de cauchemar mais London trouve le temps d'écrire, entre deux avaries, "Martin Eden". A Hawaï, il tâte du surf (un sport qu'il importera aux USA). A Molokaï,

 


il visite les lépreux (en souvenir de Stevenson qui y était venu vingt ans avant). Aux îles Marquises, il se bagarre dans un bar. Aux Nouvelles-Hébrides, il attrape malaria et fièvre jaune. A Sydney, "Le Snark" est vendu comme bateau négrier...
Revenu dans son ranch, il n’a plus qu’une idée : repartir. L’occasion lui en est donnée avec l'aventure mexicaine d'un corps expéditionnaire US envoyé au Mexique pour balayer une petite révolution marxiste. Ce sera son tout dernier grand reportage.

Le 22 novembre 1916, son domestique chinois, Lu-Whan, entre dans sa chambre pour le réveiller. Jack London ne se réveillera plus. Celui qui expliquait : "Je suis toujours absolument préoccupé par la question qui me passionne dans l’immédiat", était allé rejoindre, au pays des chasses éternelles, les amis des oies sauvages.

Alain Sanders

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