D’un "Z" qui veut dire Zorro...

Le dernier en date — au cinéma — s’appelle Antonio Banderas. Dernière mais non ultime mouture d’un mythe qui dure depuis 1919.

C’est en 1919, en effet, que l’écrivain américain, Johnston McCulley (né en 1883), auteur de séries noires qui n’avaient guère de succès, publie The Curse of Capistrano ("La malédiction de Capistrano").

Pour écrire son histoire, McCulley (qui a signé aussi des romans sous les pseudonymes de Harrison Strong, de Ralay Brien ou de Crant McAlpin), s’est inspiré d’un héros populaire au XIXe siècle, José Maria Avila.

Il le baptise Zorro ("le renard") et lui fait vivre d’héroïques aventures dans la Californie encore colonie espagnole et pressurée par des gouverneurs venus d’Espagne et peu enclins à la douceur envers les peones mexicains. Des révoltes sporadiques éclatèrent, l’une d’entre elles ayant pour chef José Maria Avila qui, notamment, libéra Los Angeles du joug espagnol.
Le roman de McCulley est publié en feuilleton dans All Weekly Magazine. Le succès est immédiat. Et se traduit, vers 1919, par une adaptation cinématographique avec dans le rôle-titre Douglas Fairbanks : Le Signe de Zorro. En 1958, à la mort de McCulley, Walt Disney rachète les droits du personnage et lui donne vie — et longévité — à la télévision.

En 1939, en France, le "vengeur masqué" fera son apparition en bandes dessinées dans l’illustré Jumbo. Et il aura, là aussi, une incroyable longévité avec des dessinateurs comme Oulie, Rigot, Pape, Gire, Gal, Dansler, Tori, Fronval, etc. Et il chevauchera dans Jumbo, L’Intrépide, Hurrah, Aventures, Mickey, Zorro ("Zorro-Jeudi-Magazine", "Zorro-L’Invincible", "Zorro-Poche"), etc. Il aura droit à des parodies (Zorro Kid de Jacovitti, Le Rebelle d’El Paso de Gine et Maric). Et à de nombreuses "démarques" (comme l’intéressant Don Z, Ed. Jeunesse et vacances).
L’histoire de Zorro est toute simple. Un jeune homme, fils d’un riche propriétaire californien, décide de se battre pour les malheureux paysans mexicains écrasés par les autorités espagnoles.

Le jour, il est Diego Vega, un señorito un peu maniéré, la nuit il est Zorro le vengeur masqué, Zorro l’homme au fouet, Zorro qui signe son nom à la pointe de son épée. D’un "Z" qui veut dire Zorro.

Après La Marque de Zorro (1919), on aura, en 1925, toujours avec Douglas Fairbanks (devenu Don Cesar de Vega après avoir été Don Diego), Don Q Son of Zorro ("Don Q le fils de Zorro"). Et l’on ne s’arrêtera plus ! En 1926, c’est Señor Daredevil d’Albert S. Rogell avec, dans le rôle du héros, l’excellent singing cowboy Ken Maynard. L’année suivante, en 1927, Señorita (de Clarence B. Badger, avec William Powell), fait la part belle à une nièce de Zorro.
On passe l’année 1928 sans Zorro, mais il revient — toujours avec Ken Maynard — en 1929 avec Señor Americano de Harry Joe Brown. Il faudra attendre 1936 pour se régaler avec Phantom of Santa Fe the Hawk, produit par Burroughs-Tarzan Pictures s’il vous plaît, avec Frank Mayo et Norman Kerry.
1936 est une année faste puisque l’on applaudit Bob Livingston dans The Bold Caballero ("L’audacieux caballero") de Well Roots. L’année suivante, en 1937, grand retour avec Zorro Rides Again ("Zorro chevauche encore") de William Whitney et de John English. L’année 1939 nous vaut un Zorro Fighting Legion des mêmes Whitney et English.
En 1940, Rouben Mamoulian, avec Mark of Zorro propose un bon remake de La Marque de Zorro de 1919. Avec un impressionnant générique : Tyrone Power (dans le rôle de Don Diego), Linda Darnell et Basil Rathbone. On ne citera en revanche que pour mémoire Zorro Black’s Whip ("Le fouet noir de Zorro"), 1944, de Spencer Gordon Bennet et Wallace Grissel, avec George Lewis.

Le reste peut s’égrener comme une litanie. En 1946 Daughter of Don Q (ce Don Q étant, souvenez-vous, apparu dans le film de Donald Crisp en 1925) avec l’inoubliable Lorna Gray. En 1947, George Turner est Le Fils de Zorro (" Son of Zorro ").

On aura noté que toutes ces productions sont nord-américaines. En 1950, c’est un Zorro mexicain qui joue des coudes : La Marca del Zorrillo ("La Marque du petit renard") de Gilberto Martinez Solares, avec German Valdès "Tintan".

Retour nord-américain en 1949 (Ghost of Zorro de Fred T. Brammon, avec Clayton Moore), et nouvelle offensive "latine" en 1951 avec un Zorro italien : Il Sogno de Zorro ("Le rêve de Zorro") de Mario Soldati, avec Walter Chiarri.

On aurait tort de croire que les "Latins" ont dit leur dernier mot. La preuve :
- 1962 : El Capitan intrepido de Mario Calano et Harry J. Brown. Une production italo-espagnole mais avec Sean Flynn, le fils du légendaire Errol Flynn.
- 1962 : La Venganza del Zorro de l’Espagnol Joaquin Luis Romero Marchent. Avec Frank Latimore.
De quoi, de quoi, se disent les Nord-Américains qui produisent alors, en 1962, Don Daredevil Rides Again de Fred C. Brannon, avec l’un de mes singing cowboys préférés, Ken Curtis.

Quoi de " quoi de quoi " ? se disent alors les Espagnols, en 1963, qui renvoient Joaquin Luis Romero Marchent en première ligne avec Cabalgando hacia la muerte El Zorro ("Zorro chevauche jusqu’à la mort"). Dans le rôle de Zorro, de nouveau Frank Latimore.

Réaction, la même année, des Italiens qui, coup sur coup, produisent Zorro I Moschettieri ("Zorro et les Mousquetaires") de Luigi Capuano (avec, dans le rôle du vengeur masqué, le très athlétique Gordon Scott) et Zorro contre Maciste (sic) d’Umberto Lenzi (avec Pierre Brice).
Toujours en 1963, on a droit à une production italo-espagnole avec Las tres espadas del Zorro ("Les trois épées de Zorro") de Ricardo Blasco, avec Guy Stockwell. L’année suivante, l’Espagnol Miguel Lluch prétend que Zorro se démasque (avec José Suarez).

Et c’est une nouvelle déferlante (avec beaucoup d’écume...) italienne d’un Zorro re-masqué :
- 1966 : Zorro le rebelle de Pierro Pierotti. Avec Howard Ross.
- 1968 : Zorro le renard (sic) de Guido Zurli. Avec Georges Ardisson.
- 1969 : Zorro au service de la Reine [d’Angleterre...] de Francesco Montemano.
On ne citera que pour être complet deux pantalonnades indignes : Les Aventures galantes de Zorro du Belge Pierre Queru (avec Jean-Michel Dhermay) et Les Chevauchées amoureuses de Zorro, une production germano-américaine de Robert Freeman (avec Douglas Frey). Et nous aurions honte de signaler La Grande Zorra, une déculottade homo de l’Américain Peter Medak, avec George Hamilton. Ces trois films méritent surtout un Zorro pointé.
Le dernier Zorro en date, avant celui d’Antonio Banderas (tourné, non sans mal, au Mexique), fut celui d’Alain Delon en 1974. Une production franco-italienne signée par Duccio Tessari. On y voit, notamment, le regretté Moustache dans le rôle du Sergent Garcia auquel il prêta sa très bonhomme corpulence.

Alain Sanders

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