C’est sans doute – avec la réédition du Camp des Saints, bien sûr – l’événement de l’année 2011 que cette réédition du Journal peau rouge de Jean Raspail initialement paru en 1975.

Pourquoi cette réédition de ces « libres voyages » (le mot est de Raspail) dans les réserves indiennes des Etats-Unis d’Amérique ? D’abord parce que c’est un grand livre et que rien de ce qu’écrit Raspail ne saurait laisser indifférent. Ensuite parce que c’est une formidable réponse aux imbéciles médiatiques (pardon pour la redondance) qui ont souvent tendance à caricaturer — et donc à réduire – l’œuvre raspailienne.

Raspail est un grand écrivain. Ce fut aussi un grand explorateur qui, avec une évidente empathie, se sera intéressé toute sa vie aux minorités menacées, aux peuples disparus, aux Hommes dont personne ne se souvient (Qui se souvient des Hommes ? – et ce n’est pas un hasard – est le titre d’un de ses grands livres).

Dans les années soixante-dix, à une époque où l’indianisme triomphant (qui nous valut quelques indiâneries…) était omniprésent, Raspail a pris son bâton de pèlerin pour aller, sans idées préconçues, sans préjugés, sans se couvrir la tête de cendres, à la rencontre d’Amérindiens dont les noms sont passés à la postérité : Comanches, Creeks, Sioux, Cheyennes, Hurons, Séminoles, etc. Mais d’autres aussi qui sont moins familiers aux Européens et qui furent souvent – et plus qu’à leur tour – les premières victimes des tribus dominantes : Pend d’Oreille, Nez Percés, Saturiwas, Yohuts, Inagas, Onondagas, etc.

Contrairement à une idée répandue, il n’y eut jamais de « nation indienne », mais une myriade de tribus aux mille « parlures » différentes. Liées parfois par des semblants de traités mais, le plus souvent, se faisant des guerres sanglantes.

Raspail n’a pas débarqué chez eux comme un anthropologue arrogant de son érudition et lourd de ses certitudes. Il est venu comme un homme libre curieux de comprendre la vie et l’histoire d’hommes à qui le destin – mais c’est là toute l’histoire du monde – avait finalement réservé plus de coups que de caresses. Un ou deux ans auparavant, le grand écrivain sioux, Vine Deloria, avait écrit : « N’attendez rien des Indiens, vous ne serez jamais déçus. » Mais Raspail a compris qu’en n’attendant rien des Indiens, on pouvait avoir la bonne surprise d’en recevoir beaucoup.

Il a été séduit ? Oui. Mais sans être dupe jamais. Les Peaux-Rouges sont un mythe. Les Peaux-Rouges existent. Et ils sont, pour la plupart, devenus des Américains à part entière. Pour être allé, tout récemment, sur les traces de Raspail et à la rencontre de ces Indiens, je puis témoigner que son enquête n’a pas pris une ride.

Alain Sanders

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